BECK : Guero (chronique, 2005)
La rencontre entre Beck Hansen et les Dust Brothers (Mike Simpson et John King) en 1996 a résulté en la parution de l’un des albums les plus réussis de la décennie, Odelay, dont on a déjà longuement discuté sur ce blog. Les programmeurs avaient collaboré avec les BEASTIE BOYS pour l’immense Paul’s Boutique. En 1999, ils composent la bande originale de Fight Club et donnent un coup de main à Beck pour le funky Midnite Vultures. Enfin, en 2005, on annonce leurs retrouvailles pour un nouveau LP censé reprendre les choses là où ils les avaient laissées avec Odelay. Les journalistes ont souvent la fâcheuse habitude de coller des étiquettes sur les musiciens afin de faciliter (dit-on…) l’approche de l’auditeur. Autant dire que cela s’avère compliqué avec Beck, qui fait partie de ces rares artistes nous proposant quelque chose de résolument différent à chaque album. Ainsi, vous pourrez lire dans la plupart des chroniques de cet album (Guero) qu’il s’agit de la suite « logique » de Odelay, en plus posé, en moins éclatant… A mon sens, la comparaison entre les deux albums s’arrête au simple fait qu’ils sont tous deux produits par les Dust Brothers. Bien entendu, on retrouve parfois ces rythmiques orientées hip hop (comme sur l’hispanisante Qué onda Guero), le flow rap de Beck (sur Hell Yes) et ses intermèdes débridés (les chœurs de Rental Car). Mais on pourrait en dire autant de The Information (2006), produit par Godrich...
On entame la séance d’écoute avec une certaine perplexité : que penser de l’introductive E-Pro, l’un des singles de Guero ? Bien sûr, le riff bien rock est sympathique et le couplet, même si passablement pataud, n’est pas désagréable. Mais ce refrain… bref, mieux vaut ne pas s’attarder sur les épisodes négatifs, d’autant qu’ils sont plutôt rares avec Beck. Heureusement, l’entraînante Qué onda Guero et l’acoustico-game boy de Girl nous redonnent des couleurs. Les saveurs brésiliennes et le refrain textuellement dispersé de la bien nommée Missing sont agréables et l'on sent le musicien assailli par le doute qui transparait dans la quasi-totalité des paroles de Guero. La structure basse-batterie de Black Tambourine et la superbe Earthquake Weather poursuivent les hostilités. Cette dernière se révèle l’un des meilleurs titres de l’album : son intro crépusculaire, le mix réjouissant de guitare acoustique et de beats synthétiques, le chant haut perché durant le refrain et son solo de clavier balbutiant, tout colle à la perfection.
Le hip hop aux teintes robotiques de Hell Yes est prenant, tandis qu’on retombe dans une noirceur funeste sur l’hypnotique Broken Drum. On appréciera la voix saturée de Beck sur le deuxième couplet de Scarecrow, ainsi que le riff diablement efficace de Go it alone, contenant également une plage conclusive au clavier qui n’est pas sans nous rappeler Where it’s at, l’un des tubes de Odelay et morceau-fétiche en concert. Arrive enfin l’une des grandes réussites de Guero : le blues d’apache de Farewell Ride tout en slide et en harmonica. On imagine la poussière, les ossements sur le sable et les chevaux enfiévrés du grand West. On notera les intonations de Beck qui peuvent faire penser à Eddie Vedder (PEARL JAM), tandis que la conclusion, quasiment trip hop, est là pour nous rappeler que le musicien prend toujours un malin plaisir à brouiller les pistes. Rental Car débute sous les meilleurs auspices, avec son riff basique, mais comme pour E-Pro, le refrain s’avère quelque peu énervant avec ses « yeah yeah yeah » que Beck a placé un peu trop souvent sur Guero, de même que ses clap-clap pour marquer le rythme. L’album se termine avec la déclamatoire Emergency Exit, mélange d’electro et de blues qui n’a cependant pas le mordant de Farewell Ride même si elle constitue une conclusion appréciable, surtout grâce à un pont assez pittoresque.
A noter que sur la version européenne, on trouve une 14ème chanson, Send a Message to her, en bonus. Ou en malus, devrait-on dire… comme Inside Out sur The Information, ce titre à peine digne d’être considéré comme une b-side de POLICE agrémentée de claviers à la Kate Bush vient quelque peu gâcher la fête. C’est bien dommage, d’autant que ce n’est pas la première fois où on a l’impression que Beck ne sait pour ainsi dire pas s’arrêter. Il s’agit dans tous les cas d’une appréciation personnelle. Libre à vous de presser sur la touche STOP si ce titre ne vous plait pas non plus. In fine, Guero nous montre un Beck qui n’a plus l’exubérance qui caractérisait Mellow Gold ou Odelay, dosant ses attaques avec une science invétérée de la mesure. Hormis quelques refrains peu inspirés, il nous propose un chant assez versatile avec quelques très belles percées (Earthquake Weather, Farewell Ride et Missing en tête), ainsi que des textes plutôt sombres et critiques. Même si Guero n’est pas l’album à se procurer en priorité pour ceux qui souhaitent découvrir le blondinet, il recèle de belles chansons qui ne dépareilleront pas avec les classiques de Mutations, Odelay et Sea Change. A noter la sortie, quelques mois plus tard, de Guerolito, LP composé de remixes par EL-P, BOARDS OF CANADA ou encore AIR.
BECK – Guero (2005, Interscope Records)
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