Wayne Shorter : La Chasse au Sort sert (bio)
La carrière de Wayne Shorter a été aussi prolifique qu’atypique : ce saxophoniste né à Newark (New Jersey) en 1933 et toujours en activité nous a livré des albums fantastiques, que ce soit dans le cadre de ses nombreuses collaborations (parmi lesquelles on citera les Art Blakey’s Jazz Messengers et Miles Davis), sa carrière en solo ou son groupe de jazz-rock WEATHER REPORT. Souvent considéré à ses débuts comme un imitateur de John Coltrane , Shorter aura finalement raison de ses détracteurs et se place comme un artiste majeur des années 1960-1970 qui, même s’il a fait peu d’émules, se distingue par son approche atmosphérique et complexe de la musique jazz.
L’ami Shorter n’est pas ce qu’on appelle un précoce : il débute la clarinette vers 16 ans avant de se tourner vers le saxophone tenor et d’intégrer l’Université de New York, dont il sort diplôme en poche en 1956. Les deux années suivantes, Shorter les passera dans le giron de l’armée américaine, puis se lancera dans la musique, tout d’abord avec Maynard Ferguson, grâce auquel il rencontrera Joe Zawinul (son futur collaborateur dans WEATHER REPORT), ensuite avec le groupe mythique du batteur Art Blakey et ses Hermès de la Note Bleue. Leur collaboration durera jusqu’en 1963 et s’avère extrêmement prolifique : plus d’une quinzaine d’albums dont de nombreux live en Europe (Paris, Lausanne, Stockholm) et aux Etats-Unis. En septembre 1964, Miles Davis parvient à convaincre Wayne Shorter d’intégrer son quintet après le départ de son saxophoniste John Coltrane.
En compagnie de Herbie Hancock, Ron Carter et Tony Williams, le musicien formera la meilleure formation avec laquelle Davis aura jamais collaboré. Mettant en avant son talent de compositeur, Shorter créera des pièces de toute beauté comme The Prince of Darkness, E.S.P., Nefertiti ou encore Footprints, et aura le privilège de participer à la célèbre progression vers le jazz-rock que Davis imprimera sur son In a Silent Way et surtout Bitches Brew, des albums sur lesquels on retrouve Zawinul, mais aussi le guitariste John McLaughlin, qui fondera le MAHAVISHNU ORCHESTRA quelques mois plus tard. Wayne Shorter trouvera cependant le temps, durant cette collaboration de six ans avec Davis, d’enregistrer des albums en solo, parmi lesquels on citera ses chefs-d’œuvres Juju, Speak no Evil (1964) et Adam’s Apple (1966), où l’on retrouve ses ambiances caractéristiques, teintées de folklore et de magie, ainsi que de vieilles connaissances comme Freddie Hubbard, Herbie Hancock et Elvin Jones. Des titres évocateurs comme Witch Hunt, Dance Cadaverous ou Yes or No sont devenus des standards du jazz.
En 1970, Shorter fonde le collectif jazz-rock WEATHER REPORT avec Zawinul, le bassiste Miroslav Vitous, le percussionniste Airto Moreira et le batteur Alphonse Mouzon. Cette union à géométrie variable (on retrouvera Jaco Pastorius dès 1976 et Peter Erskine deux ans plus tard) nous apportera des albums passés à la postérité comme l’éponyme de 1971, Mysterious Traveler (1974) et Heavy Weather (1977). Ces vingt dernières années, l’infatigable Wayne retrouvera épisodiquement le VSOP avec Hancock et Hubbard, travaillera sur la plupart des albums de Joni Mitchell depuis 1978 et se consacrera également à des projets solo, comme le montrent les récents Alegria (2003) et Beyond the Sound Barrier (live, 2005).
Un parcours riche, sinueux et où la qualité ainsi que l’originalité ont rarement fait défaut. Speak no Evil et Juju, pièces maîtresses de la carrière solo de Wayne Shorter, représentent un excellent point de départ pour découvrir sa musique, tandis que les classiques de Davis de la période 1964-1970 et les perles de WEATHER REPORT peuvent en constituer le palier suivant.