SUBTLE : For Hero / For Fool (chronique, 2006)
Facétieux, ambitieux, hétéroclite et dérangeant, voici quelques attributs que pourrait vêtir DoseOne, le leader de cette formation comprenant également Jeffrey « Jel » Logan (beats), Jordan Dalrymple (guitare), Marty Dowers (instruments divers), Alexander Kort (violoncelle) et Dax Pierson (claviers) qui a par ailleurs subi un tragique accident routier en 2005 et qui utilise depuis un fauteuil roulant pour se mouvoir. Les personnes versées dans le hip hop alternatif remarqueront d'ailleurs que Jel et Doseone avaient déjà collaboré ensemble sous le projet THEMSELVES, fleuron du label Anticon. Mais revenons au labyrinthique FH : FF qui, après le diptyque A Tale of Apes, nous permet d'apprécier une pièce de rock acidulé (Middleclass Stomp) aux teintes beatlesiennes, puis une bombe urbaine dont les ingrédients disparates sont à rechercher du côté de OUTKAST, RADIOHEAD et les BEACH BOYS, le tout avec un traitement ultramoderne en ce qui concerne la prod. Ce Middleclass Kill est typiquement un morceau-test pour juger si l'on est en mesure d'apprécier SUBTLE, une formation ayant banni le terme de « frontières » musicales, quitte à rendre l'auditeur plus que sceptique au premier abord. Midas Gutz semble plus en mesure de satisfaire les oreilles réfractaires aux variations incessantes, avec son riff de guitare tout en reverb. Nomanisisland décline une ambiance planante s'alternant avec le flow abstrait de Dose, tandis que The Mercury Craze, premier single de l'album, navigue dans l'univers des GNARLS BARKLEY, voix nasillarde et guitare épaisse à l'appui. Rappelons que le clip vidéo a été réalisé par le collectif SSSR, formant une trilogie avec celui de Wishingbone et FKO, présents sur les albums précédents.
For Hero : For Fool se poursuit avec des titres surprenants, tels que Bed to the Bills, introduit par un beat très lourd qui est suivi de choeurs vaporeux et de voix robotiques. Return of the Vein est mené par une guitare acoustique et le chant rappé de Doseone qui, bien vite, s'essaie avec succès à un refrain tout en harmoniques. La deuxième partie du titre possède un caractère plus inquiétant, à l'image de sa rythmique plombée et ses sonorités noisy. Call to dive et The Ends mettent fin à cet album d'une densité proche de celle du mercure s'infiltrant dans nos conduits auditifs mis à mal. Le premier évolue dans un hip hop underground assez sombre, tandis que The Ends, après une introduction acoustique presque naïve qui tranche avec une partie plus expérimentale, se poursuit par une exhibition de human beatbox relayée par une ligne de piano comme on les aime (toute belle, toute simple). FH : FF fait partie de ces albums rares qui divisent à force de ratisser aussi large. On ne peut que s'incliner face à la diversité de ses tracks, même si certaines semblent parfois un peu vaines ou manquant de ligne directrice. Il est clair que seule une écoute répétée, y compris pour les oreilles intrépides, permettra de savourer ce condensé de styles colorés et a priori opposés. Il est peu méritoire de prendre les paris après coup, mais je suis persuadé que si une musique et tout ce qu'elle implique (authenticité, créativité et modernité) devait subsister au marasme commercial qui nous engloutit, elle prendrait les apparats de SUBTLE.
SUBTLE – For Hero : For Fool (2006)
Le clip de « The Mercury Craze »