QUASIMOTO : Further Adventures of Lord Quas (chronique, 2005)
On peut se demander quelle mouche a piqué MADLIB pour qu'il puisse concevoir un personnage aussi tordu que QUASIMOTO. Ce bonhomme jaune à la voix aiguë, un groin de cochon et une brique à la main, qui jure comme un charretier et attaque tout ce qui bouge, on l'a découvert avec The Unseen en 2000. Cinq ans plus tard, le galopin est de retour pour de nouvelles aventures. Autant le dire d'emblée : il y a à boire et à manger (et surtout à fumer) sur ces 26 pistes incendiaires. Des loops jazzy, des blip-blips déglingués (Greenery), des nappes de clavier totalement ringardes (Don't blink) et des cuivres qui tournoient dans les airs, décapitant le pauvre auditeur innocent (Maingirl). Il y aurait de quoi rédiger une étude de cent pages, rien que pour décrire les instrumentations foutraques de The Further Adventures of Lors Quas, empruntées – en vrac – à James Brown, Bob Marley, Michael Jackson, Gong, de vieilles gloires funk, soul, ainsi que des sonorités indiennes. Cependant, il faut bien avouer que même pour un fanatique des artistes précités, il peut s'avérer difficile de reconnaître l'origine de ces samples, tant le traitement de MADLIB a été radical. De plus, les coupures fréquentes rendent l'écoute destabilisante pour le non-initié, un peu à la manière d'un Zappa période We're only in it for the Money. Le musicien à la moustache se place d'ailleurs comme une influence assumée par le Beat Konducta, puisqu'on retrouve la bulle de Freak Out! sur la couverture.
Au-delà de la musique, ce sont les soliloques de QUASIMOTO qui tiennent le haut du pavé. Celui-ci déblatère des insanités sur des rimes totalement improbables, non sans être parfois doublé par MADLIB « lui-même » : terreur de la rue, misogyne et amateur de substances illicites, il représente la caricature du gangsta. Cependant, la bienséance de l'auteur de ces lignes l'empêche de vous citer l'affreux. Rappelons que QUASIMOTO n'est autre qu'un alter ego du producteur qui a pitché sa voix naturelle pour la rendre nettement plus haute, comme sous l'effet d'un ballon gonflé d'hélium. Une autre caractéristique majeure consiste à insérer des répliques (souvent hilarantes) de Melvin Van Peebles, acteur et réalisateur afro-américain qui a préfiguré le mouvement blaxploitation dans les années 70. La leçon de chimie pour les nuls qui conclut Bus Ride est particulièrement cocasse. Notons encore la chanson hommage à d'illustres rappeurs sur Rappcats Pt. 3, la première partie (présente sur The Unseen) rendant la pareille aux jazzmen adulés par MADLIB.
Il parait évident que QUASIMOTO demeure un projet pour le moins curieux, qui nécessite des écoutes répétées afin que l'on s'imprègne de ses bizarreries et de ses ruptures stylistiques. L'expérience peut s'avérer frustrante, de prime abord, car à peine calé sur une rythmique plaisante, on tombe dans un capharnaüm désorientant. De plus, il s'agit davantage d'une longue série de vignettes plutôt que de vraies chansons, même si ce deuxième album se révèle un poil plus dirigé que son prédécesseur. Il ne fait aucun doute que ce personnage dégénéré s'avère l'étape suprême de l'oeuvre foisonnante de MADLIB, et que par conséquent, il semble plus judicieux de le garder pour la fin... (C) Systool, 8/2010
QUASIMOTO – The Further Adventures of Lors Quas (Stones Throw Records, 2005)
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