Janelle Monàe : The ArchAndroid (chronique, 2010)

Publié le par Systool

 

Un album-concept vaguement inspiré du Metropolis de Fritz Lang par la nouvelle égérie de la soul-funk afrofuturiste, sous le mécénat de Big Boi (OUTKAST) et P. Diddy, ça intrigue forcément. Ca apporte également son lot d'interrogations. Avec ses 70 minutes, The ArchAndroid se présente comme un bébé macrosome dont on craindrait l'indigestion, et pourtant Janelle Monàe, artiste complète qui s'est distinguée par sa formation théâtrale avant de se lancer dans la musique, vient tout simplement de sortir un bijou qui parvient à nous surprendre d'un bout à l'autre. Voyez seulement : après l'introduction symphonique de Suite II : Overture, on est happé par le flow hip hop de la jeune femme, accompagnée pour le coup par Saul Williams. Le refrain, à la fois dansant et onirique (les back-ups en chorus sont une merveille), nous colle à nos baffles. Et la femelle à la choucroute afro frontale va enchaîner les perles avec une aisance déconcertante. Pour preuve Faster, sa rythmique sautillante et son chorus délicat et mutin, Locked inside dont on jurerait qu'il s'agit d'une refonte de Michael Jackson période Off the Wall, ou encore le missile à tête chercheuse Cold War, un mélange détonant entre le Bombs over Baghdad d'OUTKAST et un générique d'anime... en mieux! Les comparaisons peuvent faire sourire, d'autant plus si on ajoute une touche de Mariah Carey (le refrain de Oh, Maker), un brin de P-Funk dont George Clinton serait fier (Mushrooms & Roses), la sensibilité de Simon & Garfunkel (57821) ou encore le meilleur d'Erykah Badu (Wondaland).

 

Janelle Monàe - ArchAndroid


Janelle Monàe et les deux autres compositeurs principaux, Nate Wonder et Chuck Lightning, possèdent cette intelligence qui consiste à rendre agréable plus d'une heure de musique, avec un récit futuriste (à la noix) et plusieurs intermèdes musicaux, accumulant les singles en puissance et multipliant les styles à l'envi : il y a en effet peu de rapport entre la hargne punky de Come Alive, la vibe cabaret de BaBopByeYa et le rhythm and blues de Tightrope, mais le kaléidoscope vocal de Janelle parvient à maintenir une cohésion miraculeuse. Tour à tour enjôleuse, agressive et aventureuse, Janelle Monàe se fend également de quelques collaborations qui semblent davantage tenir de l'hommage qu'apporter véritablement un plus à l'album. Saul Williams est plutôt discret, de même que Deep Cotton tandis qu'on saluera le couplet de l'hémisphère cérébral gauche d'OUTKAST, alias Big Boi sur Tightrope. La prestation de OF MONTREAL sur Make the Bus peut laisser quelque peu dubitatif, puisque le résultat, un hybride disco-symphonico-gay entre Bowie et MGMT, n'est en fin de compte pas désagréable, mais ferait mieux de figurer sur le prochain album des Georgiens qu'ici.

 

janelle monae

Go where the "Monàe" is...


L'autre tour de force tient dans la qualité de la production, qui allie une sensibilité très live et le soin du détail. Le titre Come Alive en est un exemple frappant, Janelle Monàe s'arrachant les cordes vocales tandis que ses compères empilent les overdubs. De même, le vocoder et autres outils de modulation vocale que l'on peut entendre sur Mushrooms & Roses ou Wondaland permettent d'apporter une certaine variété sans que cela sonne comme un vulgaire gimmick. Si l'on voulait vraiment faire la fine bouche, on pourrait ergoter sur une ou deux instrus ou une conclusion longuette, mais le plaisir d'écouter The ArchAndroid ne se dément pas. Il s'agit d'un album construit avec le coeur, la tête et les tripes, qui mérite de figurer dans le même panier qu'Inner Visions, Maggot Brains, Baduizm ou Stankonia. Un disque à la fois sophistiqué et léger, énergique et séduisant. L'album de l'année. Jusqu'à preuve du contraire.

 

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Janelle Monàe – The ArchAndroid, Suites II and III

(Wondaland Arts Society / Bad Boy Records)

 

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Publié dans Jazz & Soul

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D
<br /> Salut doc,<br /> <br /> <br /> Je sais pas si reçois toujours les commentaires. Au cas où : je te fais ce clin d'oeil car j'ai vu Janelle ce soir à L'Alhambra, que c'était une très belle soirée, et je n'oublie pas que je te<br /> dois de m'y être intéressé à l'époque ;-)<br /> <br /> <br />  <br />
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S
<br /> <br /> Tu te trémousses comme un damné, D!! ;-)<br /> <br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> Battles, oui, Dalek (celui avec Paragraphs Relentless) et The Black Keys (Attack & Release).<br /> <br /> <br /> Cette nouvelle acquisition me plaît beaucoup (ça va bien aussi avec mon côté déchaîné du dance-floor :-) ). Faut que j'écoute plus pour émettre un avis plus général, mais en<br /> attendant... c'est assez l'éclat' !<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> J'espère que ça te plait, surtout! Les autres années, c'était quoi, comme CD? Battles, je pense, et quoi d'autres?<br /> <br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> On vient de me l'offrir !<br /> <br /> <br /> Faut dire que j'ai un peu mis la tête "comme ça" à mon entourage après lecture de ton billet et écoutes sur Deezer...<br /> <br /> <br /> Décidément, tous les ans je m'achète ou on m'offre au moins un album, à cause de ta pomme :-)<br /> <br /> <br /> Bonne année, doc, à toi, à ton blog, à tes proches !<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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