RADIOHEAD : In Rainbows (chronique, 2007)
Après deux albums considérés comme des classiques de la décennie rock 90s (The Bends et OK Computer), RADIOHEAD prit le parti plutôt risqué de proposer une musique résolument différente. Les siamois Kid A et Amnesiac naviguent en effet dans des contrées électroniques et minimalistes dignes de KRAFTWERK et d'AUTECHRE, tout en conservant cette sensibilité manifeste qui est chère à leur leader, Thom Yorke. Hail to the Thief coupe pour ainsi dire la poire en deux, puisque cet album parvient à mêler ces deux tendances avec brio, à l'image de titres tels que Sit Down Stand Up ou Backdrifts, plutôt sur le versant electro, et Myxomatosis ou There There, davantage avides de guitares. Inutile de s'attarder plus longtemps sur la stratégie marketing du nouveau venu, In Rainbows : une fois débarrassé d'une maison de disque, il est plus facile de proposer des prix « it's up to you » sur son site web d'autant plus quand les titres sont des fichiers informatiques à télécharger et pas un CD, une pochette et un boîtier nécessitant des frais de fabrication. Ceci sans mentionner que l'album, dans une version « double-CD, double LP and booklet » sera disponible dès décembre au prix de 40 Livres Sterling, ce dont des centaines de milliers de fans s'acquitteront sans broncher. RADIOHEAD a cependant le mérite d'oser ce genre de choses, de bousculer le marketing, même s'ils ne sont pas les premiers à le faire. Rappelons que la formation d'Oxford avait assez mal pris le fait que son prédécesseur, HTTT, se retrouve “leaké” sur le web plus d'un mois avant sa sortie officielle...
Finalement, on assiste à un battage médiatique conséquant, mais quelqu'un a-t-il parlé du plus important? Les 10 titres qui composent In Rainbows sont disponibles dans des versions diverses depuis des mois, fruits des concerts que RADIOHEAD a accordés lors d'une tournée en 2006. Maintenant que ces chansons sont disponibles dans une version clean (j'entends, studio), il est temps de s'y pencher enfin! Une rythmique hybride introduit 15 Step, suivie par la voix haut perchée de Yorke et les arpèges délicats de Greenwood. On saluera le travail notable concernant les arrangements, ce qui représente certainement l'un des points forts de In Rainbows (écoute au casque obligatoire, c'est une prescription médicale). Bodysnatchers, avec son riff simpliste mais diablement efficace, est l'un des seuls titres à posséder une atmosphère franchement rock. Mention spéciale à l'intermède et au solo désarticulé qui conclut la piste. RADIOHEAD poursuit avec des morceaux qui font la part belle aux mélodies, comme sur la lyrique Nude dont le couplet n'est pas sans rappeler Creep ou la brève Faust Arp avec son chant désabusé et rapide, un peu comme sur A Wolf at the Door (2003). All I need mèle une basse sinistre et des notes de xylophone qui créent un contraste remarquable, tandis que Thom Yorke nous propose des lyrics toujours empreints de désespoir qui culminent avec une très belle conclusion au piano. Parmi les points forts, on citera encore les sublimes envolées de Reckoner et les guitares entraînantes de Jigsaw falling into Place.
RADIOHEAD a préconisé une atmosphère relativement calme et intimiste pour ce nouvel LP, moins aride que Kid A et Amnesiac mais certainement moins abouti que Hail to the Thief, qui parvenait à faire mouche à quasiment chaque titre. Où est l'urgence d'un 2+2=5, la pureté déchirante d'un I will ou encore la cohésion d'un Where I end and you begin? In Rainbows est composé de jolies chansons, cela ne fait aucun doute mais, à l'image du chant geignard de Thom Yorke, le groupe semble manquer de motivation, nous proposant des titres comme s'il se sentait obligé de le faire. Là où le chanteur parvenait à transcender sa déprime en nous proposant des lignes de chant remarquables, on trouve parfois des textes poussifs sur l'éternelle fragilité de la vie et le désespoir du quotidien, récités par la voix étonnamment peu modulée de Yorke. Musicalement, on pouvait également s'attendre à plus de la part d'un groupe qui n'a pas sorti d'albums depuis quatre ans et qui est fameux pour son caractère expérimental et l'émotion qu'il dégage chez l'auditeur. In Rainbows est selon moi un demi-succès, un premier arrêt dans la discographie des Britanniques. Là où des titres représentent une addition intéressante à la discographie du groupe (Reckoner, Videotape, All I need), d'autres sont quasiment anecdotiques. RADIOHEAD demeure toujours largement devant la plupart des groupes actuels, mais cet album que tout le monde s'empressera d'encenser (parce que c'est du RADIOHEAD et que critiquer la formation revient à n'avoir aucune notion de la musique actuelle) ne figure pas, à mon sens, parmi les réussites de cette année 2007.
RADIOHEAD – In Rainbows (2007)
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