SEPULTURA - Roots (chronique, 1996)

Publié le par Systool

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L'album Roots marque sans aucun doute un tournant dans la carrière de SEPULTURA. Le chanteur Max Cavalera s'est fait pousser des dread-locks et son frère, le batteur Igor, s'est coupé les cheveux et prend des cours de jiu-jitsu. Plaisanterie à part, ce LP produit par le mage Ross Robinson a ébranlé le monde du metal par son approche novatrice : l'idée d'utiliser des percussions tribales tout droit inspirées de la terre d'origine de SEPULTURA, à savoir le Brésil, en a laissé plus d'un sur le carreau. Ce cocktail de rythmiques primitives mêlées à des riffs aussi lourds qu'une Feijoada, bien qu'abordé timidement sur le précédent opus, Chaos AD (notamment sur le titre Nomad), fait de Roots un paradigme du thrash metal et le sommet de la discographie des musiciens de Belo Horizonte qui se sont par ailleurs séparés quelques mois après dans l'incompréhension générale. Max Cavalera s'en est allé fonder SOULFLY tandis que les autres membres ont persisté en recrutant Derrick Greene pour le remplacer, mais force est de constater que les deux formations mises ensemble n'ont pas l'éclat du SEPULTURA de la première moitié des années 90.

Cette tuerie sonique débute avec le bien-nommé Roots Bloody Roots, davantage hymne furieux qu'hommage à U2. On remarque bien vite que les constructions riffiques empruntées à METALLICA ne sont plus d'actualité. La bande privilégie des accords simplistes et monolithiques, tandis que la mutation du chant de Cavalera est notable : des hurlements à la limite de l'extinction de voix remplacent les beuglements de jadis. La laryngite chronique est de rigueur, certes, mais tout un panel d'instruments traditionnels brésiliens vient aussi agrémenter ce boucan métallique effrayant. Il suffit d'écouter Attitude pour le certifier : après une intro au berimbau, un maelström de guitares et de cris viennent inonder nos oreilles souffrantes. Le groupe prend un malin plaisir à nous triturer le gyrus de Heschl avec des brulots comme Cut Throat ou Spit, mais se permet aussi d'inviter des musiciens tels que le percussioniste Carlinhos Brown (Ratamahatta) ou Jonathan Davis et Mike Patton sur la terrorisante Lookaway. Bienvenus dans un monde où le décibel est roi et où la protestation face aux injustices de la société ne peut être que gutturale et frontale. Braconniers et hommes d'état véreux sont les cibles favorites de Max Cavalera, dont le message est aussi efficace que ses paroles sont directes, à l'image de l'abrasive Dictatorshit.

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On est affreux, sales et méchants... et on aime ça!

 

L'autre artisan du succès de Roots est vraisemblablement son frangin Igor Cavalera, dont le jeu de batterie surpuissant porte littéralement des titres tels que Breed Apart ou Endangered Species. En situation de porte-à-faux, le guitariste Andreas Kisser nous offre une prestation diabolique : ses riffs tonitruants font toujours un certain effet (le kornien Dusted), mais on remarquera qu'il a globalement renié ses solis techniques au profit de licks destructurés et chaotiques à base de fuzz et de wah-wah. On saluera par ailleurs l'instrumentale et acoustique Jasco. Le rôle de Paulo Jr s'avère toujours difficile à évaluer, tant le jeu du bassiste est discret et linéaire ; par contre, on peut considérer le producteur Ross Robinson comme le véritable cinquième membre du groupe, dans la mesure où l'architecte sonique met en évidence chaque pan de la musique de SEPULTURA, lui donnant une texture à la fois tribale et moderne, entre percussions apocalyptiques, beats hip-hopoïdes et jerrycans en feu. Cette fusion d'éléments traditionnels et de thrash-metal américain atteint peut-être son paroxysme sur Ambush, lorsqu'un intermède comprenant des percus de Carlinhos Brown interrompt momentanément une salve de guitares distordues et vengeresses.

On l'aura saisi aisément : Roots est un album fait d'extrêmes, la notion importante étant que ce dernier terme doit se décliner au pluriel. Car là où la plupart des groupes du genre se limitent à reproduire incessamment une seule extrémité du spectre (à savoir la violence pure), SEPULTURA a su nous emmener par la même occasion dans des contrées empruntant au folklore brésilien. Il n'est pas question ici des paillettes de la samba, mais bien de la tradition culturelle des peuples indigènes, comme on peut l'entendre sur Itsari, la plage enregistrée dans le Mato Grosso en compagnie de la tribu des Xavantès. These Roots will always remain (ces racines demeureront à jamais), crie Cavalera sur Born Stubborn. Tu l'as dit, l'ami!

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SEPULTURA – Roots (Roadrunner Records, 1996)

Publié dans Metal - Hardcore

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S
Tout un pan de ma jeunesse! Tiens, voilà que je parle comme un vieux... non mais plus sérieusement, les deux albums que tu as cité ont bercé, si l'on peut dire, mes 14-15 ans...
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E
sepultura, c'est brutal et probablement le groupe de trash le plus bourrin: j'ai me surtout roots et chaos AD. Pour le reste, je suis moins fan...
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A
hello Doc Systool! Ce qui est bien chez toi, quand je viens y zoner, c'est que c'est  le dépaysement assuré ;-) ! J'avoue, j'ai souvent du mal à suivre... mais disons que c'est bien  aussi : ça participe au charme  et ça ouvre les perspectives pour ses petits pavillons sonores... à +
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S
Ciao Alf! Ben écoute, je prends ça positivement... sinon il y a sans doute d'autres groupes que tu connais beaucoup mieux, mais dans un sens, c'est moins intéressant... ;-)
B
Au fait, Pavarotti et Sepultura, ça donne ça : ici. Bon.... C'est drôle....
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S
Roh la la, cette conclusion... SEPULTURA fait du plagiat :-)
B
Salut! Tiens, je n'avais pas fait attention à la participation de Patton sur cet album... Merci pour la précision de tes articles!... Allez, je vais me remettre Ratamahatta, c'est tellement bon!... A+
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S
Oui, c'est probablement Patton qui fait les voix un peu "envoutantes" en intro, par exemple, après l'entrée de la batterie et des scratches de "Lookaway"Cool, Bif, je savais pas que tu écoutais également SEPULTURA :-)