Haruki Murakami : Au Sud de la Frontière, à l'Ouest du Soleil
Haruki Murakami est une idole au Japon. Pas de celles qui trônent dans les tabloids ou les émissions de télé-réalité. Cet auteur s'est imposé dès la parution de son premier roman, Ecoute le Chant du Vent, qui a reçu le prestigieux Prix Gunzo en 1979. Las de ce Japon technocrate et arrogant, il décide de s'exiler en Europe du Sud (Italie, Grèce) après la sortie de best-sellers tels que La Ballade de l'Impossible (1987) et Danse, Danse, Danse (1988), puis obtient un poste de Professeur de littérature nippone à l'Université de Princeton, dans le New Jersey. Il est cependant toujours suivi avec ferveur par ses compatriotes qui se délèctent de ses récits doucement fantastiques, mettant en scène des personnages seuls et mélancoliques. Ses « collègues » japonais lui reprochent cependant sa plume occidentalisée, lui qui n'a jamais caché son admiration pour des auteurs américains et qui a été traducteur de Raymond Carver (Short Cuts) ou encore Scott Fitzgerald. Le terrible tremblement de terre de Kobe et les attentats du métro à Tokyo (vous remarquerez l'allitération) le poussent à regagner sa terre natale en 1995.
Trois ans auparavant paraît Au Sud de la Frontière, à l'Ouest du Soleil, roman plus « réaliste » où l'on suit Hajime, jeune garçon de la classe moyenne présentant de nombreux points communs avec Murakami : fils unique, solitaire, il aime à s'enfermer dans sa chambre pour écouter de vieux disques. Sa rencontre avec Shimamoto-San, voisine et camarade de classe mystérieuse et affublée d'une boiterie, le marquera durablement. Cependant, un déménagement va causer leur séparation et Hajime mènera de plus en plus une vie de reclus même si, une fois adulte, il fera la connaissance d'autres femmes, dont Yukiko qui deviendra son épouse alors qu'il est âgé de 30 ans. Père de deux jolies petites filles et propriétaire de deux bars jazz qui rencontrent un franc succès, Hajime a tout pour être heureux. Et pourtant l'apparition soudaine de Shimamoto-San, qu'il n'a jamais oubliée, va bouleverser son quotidien.
Contrairement à ses Chroniques d'un Oiseau à ressort ou le plus récent Kafka sur le rivage, Murakami ne décrit pas des chats qui parlent ou des personnages dotés de pouvoirs surnaturels. On retrouve néanmoins la solitude d'un homme en proie à ses sentiments, tiraillé entre la nostalgie de ses jeunes années, matérialisée par Shimamoto-San dont il ne connait finalement pas grand chose, et son existence actuelle faite de balades en 4x4 avec sa petite famille sans problèmes. L'auteur va tisser lentement sa trame, s'attardant sur les sourires, les regards et les pensées confuses d'Hajime, le tout rédigé dans une langue limpide, à la fois neutre et merveilleusement poétique. Le talent de Murakami réside surtout dans la description de ces sentiments si complexes (amour, désir et quête d'absolu) qui prennent forme dans un environnement banal et terne, de même que dans l'impression unique qu'il laisse au lecteur, celle de le frôler à peine et de remuer par la même occasion ses émotions les plus profondes.
Haruki Murakami – Au Sud de la Frontière, à l'Ouest du Soleil
disponible en français aux éditions 10/18
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