Jean-Christophe Rufin : Rouge Brésil

Publié le par Systool

Médecin de formation, Jean-Christophe Rufin s'est rapidement distingué comme un humaniste et un homme de terrain. Membre éminent de l'ONG Action contre la Faim ou encore Médecins sans Frontières, il multiplie les séjours en Afrique, notamment en Erythrée (1976), mais aussi en Bosnie (1996). Diplômé de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, Rufin intervient également auprès du ministère de la Défense dans le cadre de la réflexion sur les enjeux économiques entre les pays industrialisés et ceux en voie de développement. Auteur de plusieurs essais - Le Piège humanitaire (1986), par exemple – il s'oriente vers la fiction à la fin des années 90. Après un premier jet remarqué, L'Abyssin, Jean-Christophe Rufin glâne le prestigieux Prix Goncourt en 2001 avec Rouge Brésil, récit relatant les aventures de Just et Colombe, deux enfants français en expédition au Brésil à la fin du XVIème siècle. Suivront Globalia, ou la menace anticipatoire d'un monde en proie à un totalitarisme exacerbé, ainsi que Le Parfum d'Adam (2007). La sortie de ce dernier roman a coïncidé avec l'accession de Rufin à l'académie française.


Rouge Brésil, à la fois référence à cette terre que les Français souhaitent soumettre et au bois Brésil qui possède des teintes rougeâtres, se situe à une époque peu étudiée par les petits helvètes comme moi : l'exploration et la conquête de l'Amérique par les puissances européennes. Ainsi, c'est avec un certain intérêt que je me suis lancé dans la lecture de ce roman offert par un ami dont le bon goût littéraire n'est plus à prouver (tu me paieras une bière, Martin, pas de problème). Just et Colombe, frère et soeur inséparables, ont déjà connu les vicissitudes de la vie malgré leur jeune âge, comme cela était souvent le cas à l'époque. Une mère décédée, un père disparu dont la fortune a vraisemblablement été dilapidée par leur tuteur. L'occasion de se débarrasser de ces mioches paraît toute trouvée lorsqu'un certain Dom Gonzagues se présente. Celui-ci a été commandité par le chevalier de Villegagnon afin de mettre la main sur de solides jeunes hommes qui supporteraient des mois de voyage en mer et pourraient faire office d'intermédiaires avec les autochtones, une fois arrivés en Terre Promise. Pour Colombe, une tenue masculine et le fait de la rebaptiser Colin régleront momentanément l'affaire...




Rufin, après cette introduction, poursuit avec la longue traversée maritime qui nous permettra de découvrir les différents personnages, dont Villegagnon, homme de guerre pétri de culture antique qui s'avérera un mentor idéal pour le discipliné Just. Arrivés à destination, les Français devront faire face aux Sauvages, dont les us et coutumes (au même titre que la localisation géographique) sont aux antipodes. En raison de la chaleur accablante et du caractère dévêtu des femmes brésiliennes, le chevalier éprouvera passablement de peine à motiver ses troupes à la construction d'un fort et à leur inculquer sa morale irréprochable. La religion est d'ailleurs l'une des thématiques majeures de Rouge Brésil, puisque Villegagnon devra composer avec la venue de ministres genevois, envoyés par Calvin pour prêcher la bonne parole protestante. Une façon de traiter les guerres de religion sur un terrain pour ainsi dire neutre. Ces vastes étendues sauvages, bien vite maltraitées par les Européens, représentent de plus une révélation pour Colombe qui, au contraire de son frangin rentré dans le rang, goûtera à l'exotisme suave de cette Amérique encore préservée.


Récit d'aventure où la brutalité des Occidentaux cotoie l'incrédulité des natifs, Rouge Brésil dresse un portrait peu reluisant mais sans forcer le trait de l'éternelle histoire humaine, où les forts assujettissent les plus faibles au nom d'un Dieu ou d'un idéal sociétaire. Malgré la longueur du roman (600 pages) et la dureté de son propos, J.-C. Rufin parvient à retranscrire avec une certaine légèreté cet épisode tragique de l'histoire, ceci grâce à sa lucidité et son attachement invétéré pour ce curieux animal, l'homme.


Jean-Christophe Rufin – Rouge Brésil

(disponible en poche aux éditions Folio)

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Commenter cet article
S
<br /> <br /> C'est le roman historique d'un humaniste comme Rufin qui lui donne en effet tout son attrait!<br /> <br /> <br /> <br />
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N
<br /> <br /> Deux découvertes à noter en ce gris lundi: ce titre dont je n'avais pas entendu parler et ce blog, qui présente des avis aboutis et pas de simples commentaires sur des livres/films. Pour celui-ci<br /> précisemment, le Brésil est une terre que l'on croit connaître, mais son immensité et une partie de son histoire (honteuse poru els Européens) fait qu'en réalité on ignore presque tout. Je me<br /> lance donc à la conquète de cette terre en étiquetant ce roman dans mes "notes pour plus tard"!<br /> <br /> <br /> <br />
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S
Je dois dire que le titre ne me parlait pas non plus... Mais en fait, c'était une lecture très agréable!
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D
Tiens, ça 'est rigolo... En fait je ne savais pas du tout de quoi parlait ce livre dont j'ai souvent vu la couverture bardé de son prix mais rien lu à son sujet. Le titre, bêtement, ne m'attirait pas, me rebutait presque. Ben... intéressant pour le moins, à te lire. Je note ;-)
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S
Yo Martinus! C'est vrai que j'ai pris un moment pour m'y mettre... puis pour le finir et écrire un article... celui-ci date d'environ 6 mois d'ailleurs... les aléas de la publication! Je note pour Le Parfum d'Adam!
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