REFUSED : The Shape of Punk to come (chronique, 1998)

Publié le par Systool

Qui aurait cru que des musiciens suédois puissent figurer parmi les représentants les plus intéressants du hardcore-punk, genre new-yorkais par excellence? A vrai dire, l'explication semble assez évidente, puisque le fait de se situer géographiquement en dehors de ce noyau permet tous les excès, les métissages et les expérimentations. REFUSED a vu le jour en 1991 et après sept ans de bons et loyaux services, ils ferment boutique, non sans avoir pondu The Shape of Punk to come, cocktail molotov assourdissant dont beaucoup ont encore du mal à se remettre. Il faut dire que l'on risque d'être plus que surpris si l'on aborde la bête avec des a priori (somme toute compréhensibles) par rapport à un style souvent enkysté dans ses sempiternels schémas et codes musicaux.

La formation de Dennis Lyxzén avait avant tout un message à faire passer : contestataire dans l'âme, REFUSED exprimait des idéaux clairement anarchistes, refusant toute compromission face à la Machine et prônant une révolution « mentale » allant de pair avec une révolution musicale, cette dualité étant justement l'un des points les plus appréciables de la démarche du groupe. Leur manifeste, c'est le parfait mode d'emploi du petit révolté en 12 chapitres et 55 minutes. The Shape of Punk to come, c'est un maelström sonore où les guitares fulgurantes cotoient une contrebasse, des samples electro et la voix hurlante de Lyxzén. Worms of the Senses / Faculties of the Skull entame les hostilités d'une bien belle manière : ça bastonne sec mais de façon fraiche et intelligente pendant six minutes puis les lascars partent dans un délire techno complètement ahurissant sur fond de deejaying italien. Le titre suivant, Liberation Frequency, présente un contraste qu'on retrouve souvent chez REFUSED : un couplet assez relax suivi d'un refrain à la pesanteur du Tungsten. On s'étonne toujours d'entendre Lyxzén changer ainsi de registre et passant d'une voix parfois assez féminine à des hurlements à s'en arracher le larynx et le jeter contre le mur de la protestation. Une autre facette digne d'intérêt chez les Suédois réside dans cette attirance pour les structures et les références jazzistiques : ainsi, le design fragmenté de la couverture nous rappelle des classiques de la note bleue. Musicalement, on remarquera l'utilisation fréquente d'une contrebasse, notamment sur la tonitruante The deadly Rhythm. Enfin, le titre de l'album fait sans aucun doute référence à The Shape of Jazz to come, à la fois album d'un autre pionnier, Ornette Coleman (cité dans le livret) et chanson de Nation of Ulysses, groupe hardcore américain dont REFUSED s'est passablement inspiré, notamment au niveau des idées et de l'accoutrement.

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Le groupe ne rechigne pas à nous balancer des pistes plus punk et expéditives, telles que Summerholidays vs. Punkroutine ou The Refused Party Program, mais flirte également avec l'électronique sur l'intermède Bruitist Pome #5 ainsi que sur New Noise, leur titre le plus célèbre dont un clip a été tiré. Dans les cordes, on peine à convaincre l'arbitre que l'on est capable de poursuivre le combat, mais celui-ci fait preuve de clémence, ce qui nous permet de prendre Protest Song '68, Refused are fuckin' dead et The Shape of Punk to come en pleine poire. Wah wah hystérique, loops rythmiques et power chords vengeurs sont les maître-mots, même si le groupe s'accorde de temps en temps une plage plus délicate comme pour mieux nous achever ensuite. L'album touche à sa fin avec la surprenante Tannhäuser / Derivé, ses violoncelles mêlés à des couplets post-punk dignes de CONVERGE. Le titre se concluera d'ailleurs par une prestation du batteur David Sandström à la mélodica, instrument à vent entre la flute et l'harmonica. Enfin, REFUSED met un point final avec l'acoustique The Apollo Programme was a Hoax, en apparence résignée mais contenant des textes plus enflammés que jamais :


The destruction of everything is the beginning of something new. Your new World Order is on fire and soon, you'll be, too.

Sabotage will set us free. Throw a Rock in the Machine.


Il paraît bien loin, le temps où le groupe se suicida littéralement sur scène, lors de ce fameux show à Atlanta peu après la sortie de The Shape of Punk to come. REFUSED entamait Rather be dead lorsque des policiers pénétrèrent le bâtiment dans lequel ils se produisaient. Ces images ont d'ailleurs été immortalisées sur Refused are fucking dead, un DVD documentaire paru en 2006 et réalisé par Kristofer Steen, gratteux du groupe. Las de mener une telle vie, les membres du groupe se sont séparés et réorientés dans divers domaines. On notera que Dennis Lyxzén a poursuivi dans la musique puisqu'il officie dans THE (INTERNATIONAL) NOISE CONSPIRACY. De par leur ouverture d'esprit et l'impact qu'ils ont eu sur de nombreux groupes durs, REFUSED demeure un pilier de la scène hardcore-punk et leur dernier album une référence absolue en la matière.


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REFUSED – The Shape of Punk to come (Burning Heart Records, 1998)
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Le clip de "New Noise"

 

Publié dans Metal - Hardcore

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