Frank Zappa : Discographie commentée (1970-1975)

Publié le par Systool





CHUNGA'S REVENGE (1970)
 
On pourrait penser que Zappa hurle...en réalité il baille. Serait-il parce qu'il s'est ennuyé ferme pendant l'enregistrement de Chunga's Revenge? Pourtant en écoutant ce nouvel album de Zappa, on est plutôt satisfait du résultat. Transylvania Boogie ouvre l'album de très belle manière avec son rock qui tache et le jazz de Twenty small Cigars n'est pas sans rappeler les pièces instrumentales de Uncle Meat. The Nancy and Mary Music nous fait penser à Didja get any onya? et sa rythmique endiablée est suivie d'un trip démentiel de George Duke qui bruite des sons de percussions à la bouche. Sans oublier Tell me you love me et son riff à la Rage against the Machine ou encore le morceau-titre, instru où Zappa fait parler sa guitare...
Quoi qu'il en soit, Chunga's Revenge est à considérer comme un disque transitionnel, à la croisée des chemins entre les Mothers de 1969 et les travaux futurs comme Waka/Jawaka. Même s'il ne parvient pas à maintenir l'attention de bout en bout, il recèle quelques très bons titres et le son tranchant de la guitare de Frank Zappa se révèle assez jouissif.
Du coup, on ignore toujours pourquoi Zappa baille. Peut-être est-il tout simplement fatigué...


 

 
WAKA / JAWAKA (1972)

L'album que beaucoup appellent Hot Rats II (en raison peut-être du clin d'oeil à Hot Rats sur sa pochette) a été composé durant l'année 1972, que Frank Zappa a majoritairement passé dans une chaise roulante, en convalescence après l'incident du Rainbow Theatre - un énergumène monta sur la scène et poussa Zappa dans la fosse de l'orchestre. Malgré les opinions mitigées de certains critiques qui pensaient que le moustachu avait déjà un pied dans la tombe, force est de constater que le temps donnera raison à ce Waka / Jawaka, aujourd'hui considéré comme une oeuvre majeure en matière de jazz-rock. Le premier titre, Big Swifty, est la pièce maîtresse de l'album et consiste en une longue incursion jazzistique (17 minutes) qui fut souvent jouée à l'époque en concert et par ailleurs souvent remaniée. Elle met en évidence le talent du Hot Rats Ensemble, composé de George Duke et Aynsley Dunbar parmi d'autres. Suivent Your Mouth et It might just be a One-Shot Deal, deux pistes mêlant une musique folk traditionnelle et un jazz électrisé, la seconde nous remémorant certains passages vocaux débridés dignes de Absolutely Free. On a également droit à un solo de guitare démentiel et rockabilly. Enfin, le morceau-titre clôt les hostilités : cette autre symphonie jazz débutant sur un thème entrainant se poursuit par de nombreux solos (trompette, clavier avec wah-wah, guitare et batterie). Le thème principal est repris avant le final des cuivres.
Un grand moment annonçant un autre album fabuleux : The Grand Wazoo.
 



THE GRAND WAZOO (1972)
 
Accompagné de l’une de ses meilleures formations, Zappa nous livre le témoignage discographique de ces mois de tournée intense. The Grand Wazoo, composé de cinq pistes le plus souvent jazz-rock, se place comme l’un des points forts de la carrière de l’Américain. Le premier titre éponyme, opus fleuve de 13 minutes, est une pièce majestueuse et annonce en grande pompe le concept de l’album, décrit dans la pochette de Calvin Schenkel, qui a étroitement collaboré avec Zappa ces dernières années : il met en scène deux généraux, Cletus et Mediocratus, le premier symbolisant le bon goût musical et le second représentant les niaiseries commerciales. Chaque semaine, le lundi, a lieu l’affrontement – il s’agit en réalité de consulter les charts hebdomadaires qui vont donner raison à l’un d’entre eux. Entouré de musiciens au chômage, l’empereur du funk Cletus mène une véritable chasse aux talents en organisant des réunions extraordinaires. Grâce à son mégaphone primitif, appelé le Grand Wazoo, il rallie tous les postulants. On remarquera dans ce bordel organisé l’influence de certains écrivains comme Kafka ou encore Burroughs, dont le Festin Nu a beaucoup marqué Zappa.
 
Si l’on revient aux morceaux de l’album, on peut citer For Calvin, hommage free jazz à Schenkel, ou encore Cletus Awreetus-Awrightus et son introduction balourde. Enfin, l’album de conclut sur le magnifique Blessed Relief, pièce délicate et mélodieuse.
 
 

 
 
OVER-NITE SENSATION (1973)

Frank Zappa revient en 1973 avec de nouvelles Mothers (si ce n'est Ian Underwood, toujours là depuis 1968) et nous livre son album le plus célèbre ainsi que l'un des plus accessibles musicalement ; on est néanmoins abasourdi par la technique du maître et de ses acolytes, spécialement sur Zombie Woof et I'm the Slime, deux excellentes pistes. Certes, le contenu textuel peut parfois laisser pantois, tant les allusions sexuelles sont appuyées (Camarillo Brillo, Dirty Love) mais Zappa s'est défendu en prétextant qu'il souhaitait donner volontairement cette image de l'homme machiste pour justement critiquer ce genre de mâles...
Malgré un Fifty Fifty inaudible (oui, ça arrive même aux plus grands), OVER-NITE SENSATION demeure une carte de visite idéale de la période 70s de Zappa, un mix ultime de rock, jazz et funk.
 
 

 
 
APOSTROPHE (1974)

Suite logique de Over-nite Sensation, cet album solo de Zappa, de par le côté particulièrement absurde des textes et les clins d'oeil incessants entre les différents titres, est plutôt difficile au premier abord. Mais après quelques écoutes pour s'y acclimater (comme d'habitude avec Zappa, en fait), on est récompensé par la fusion des genres que Zappa s'approprie avec brio : St. Alfonzo's Pancake Breakfast, Cosmik Debris, Apostrophe, des chansons qui seront souvent représentées en concert. Quant à Don't eat the yellow Snow, un classique du genre sorti en single, il permettra à Apostrophe de devenir le deuxième disque d'or de Zappa aux Etats-Unis, après Over-nite Sensation. Un prix bien maigre quand on songe aux compositions brillantes qui ont jalonné la carrière de Zappa.
 
 

 
 
ONE SIZE FITS ALL (1975)

Après les succès critiques et commerciaux de OVER-NITE SENSATION et APOSTROPHE et des tournées incessantes, Zappa retrouve le chemin des studios pour enregistrer avec le meilleur groupe qu’il a jamais eu : George Duke, Napoleon Brock Murphy, Ruth Underwood… Le résultat sera ONE SIZE FITS ALL, autrement dit la somme musicale d’années de travail : on y trouve des mélodies nous faisant penser à Uncle Meat, 200 Motels, Apostrophe… Ce curieux mélange et la richesse de l’instrumentation font de OSFA l’une des meilleures manières de découvrir Zappa : la construction alambiquée de Inca Roads, premier titre narrant l’atterrissage d’une curieuse soucoupe volante et présentant les fameux effets de "cornemuse bulgare" à la guitare de Z… Can’t afford no Shoes, rock puéril et déglingué, Sofa, une très belle pièce en deux parties - les initiales de One Size fits all (OSFA) en sont un anagramme. Ce titre traite l’un des thèmes de l’album : la passivité de l’être humain moderne, affalé dans un canapé. A la fois triste et grandiloquant, il met en valeur le talent de Duke et Underwood. On citera encore le blues de Po-Jama People, les bizarreries de Florentine Pogen et le rock chunga-esque de San Ber’dino, où Zappa décrit avec dérision la prison de San Bernardino dans laquelle il avait passé dix jours…Enfin, le rythmé Andy aux accents funky est également réussi.
 
En état de grâce, Zappa nous livre ici un autre album majeur, avant de sombrer dans les niaiseries incompréhensibles – bien qu’ironiques – de Zoot Allures
 
DISCOGRAPHIE COMMENTEE : Première Partie (1966-1970)

free music


Publié dans Rock Legends

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :