Akira Kurosawa : Le Sensei à l'honneur (bio)

Publié le par systool

Né à Tokyo en 1910, Akira Kurosawa grandit dans une famille où le père, militaire, applique ses règles de manière drastique et pourtant c’est lui-même qui initiera le jeune Akira aux plaisirs du cinéma : en effet son géniteur est un fervent admirateur de films muets. Son frère, Heigo, est d’ailleurs un « benshi » (commentateur de films muets). C’est durant cette période que Kurosawa va littéralement dévorer les grands classiques du cinéma de l’époque. Kurosawa n’était pas particulièrement porté sur les études. Il préférait se consacrer à la lecture, au cinéma et à la peinture. Une fois atteinte sa majorité, il refuse de s’inscrire à l’école des Beaux-Arts, intègre la Ligue des Artistes Prolétaires et participe à des actions militantes. Il abandonne ces divertissements deux ans plus tard, peu convaincu par cette lutte.



Le jeune homme vivote quelques années en exerçant la peinture par le biais de l’illustration de romans d’amour. En 1935, il voit une annonce dans la presse : Les studios Photo Chemical Laboratory recherchent des assistants-réalisateurs. Kurosawa est engagé : il va faire ses classes en tournant avec Kajiro Yamamoto et ceci pendant six ans. Puis il commence à proposer ses scénarios à des producteurs mais ne récolte que de la frustration : on refile souvent ses histoires à d’autres réalisateurs, et quand ce n’est pas le cas, c’est la censure qui s’en charge : ses scénarios sont jugés trop « anglo-américains » et passent au classement vertical. Il parvient toutefois à la déjouer en adaptant une biographie de Sugata Sanshiro, un grand judoka du XIXe siècle. La pilule passe puisque le Judo est considéré comme une gloire nationale ; Kurosawa peut cependant injecter une belle dose d’anticonformisme dans cette Légende du Grand Judo puisque Sugata est présenté comme un anti-héros. Le film est un succès et la TOHO Company lui demande une suite : la carrière d’Akira Kurosawa a bel et bien débuté. Suivront des films dans une veine plus réaliste : Les Bas-Fonds (tiré du roman de Gogol), L’Ange ivre où il rencontre Toshiro Mifune, l’acteur avec lequel il va étroitement collaborer pendant dix-sept ans. En 1951 sort l’un des grands classiques de Kurosawa, Rashomon : ce film relate une histoire de meurtre du point de vue de plusieurs personnages, dont on devine les intérêts personnels. Cette fresque traitant de la subjectivité de la vérité et du mensonge recevra le Lion d’Or de Venise ainsi que l’Oscar du meilleur film étranger : L’Occident a découvert Kurosawa et par là-même le cinéma japonais. Kurosawa balance dans la foulée L’idiot (d’après Dostoïevski), Les sept Samouraïs, qui sera repris par John Sturges avec Les sept Mercenaires, puis Le Château de l’Araignée. Yojimbo plut tellement à Sergio Leone qu’il en fit un remake : Pour une poignée de Dollars. Citons encore Sanjuro, la suite de Yojimbo ainsi que Barberousse, son dernier film avec Mifune. En effet, les personnalités complémentaires de Kurosawa (calme et réfléchi) et de Toshiro Mifune l’impétueux ne s’accordent plus durant ce tournage et entre les deux hommes s’installera un silence radiophonique de plus de vingt ans.
En 1970, Kurosawa réalise son premier film en couleurs, Dodes’Kaden, que certains considèrent comme son plus grand chef-d’oeuvre. Sa sortie est un échec retentissant et le réalisateur sombre dans une profonde dépression où il fera même une tentative de suicide. Après cela, il se remet en selle et tourne des films financés par d’illustres admirateurs : Steven Spielberg ou encore George Lucas (qui ne cache pas s’être inspiré de La Forteresse cachée pour Star Wars!). Ses derniers films, soient Ran, Rêves ou encore Madadayo méritent également le détour.
Akira Kurosawa s’éteint à Tokyo, en 1998.

Filmographie sélective de Kurosawa

Quand on parle de Kurosawa, on pense immédiatement aux films de Samouraïs ; pourtant sur les 31 films qu’il a réalisés, une dizaine uniquement traite ce sujet. En effet, en s’intéressant davantage à sa carrière, on note une diversité remarquable dans ses oeuvres : films de costumes ou d’aventure, d’autres plus introspectifs ou encore à visée sociale. Voici un aperçu chronologique et sélectif de la filmographie du Sensei :

1943 - La Légende du Grand Judo : son premier film. Une biographie romancée de Sugata Sanshiro, un judoka du XIXe siècle.

1948 - L’ange ivre : son premier film avec Toshiro Mifune, qui crève l’écran dans le rôle d’un yakusa pris en charge par un médecin, interprété par Takashi Shimura, autre acteur fétiche de Kurosawa.



1951 - Rashomon : Ere Heian (IXe au XIIe siècle). Trois hommes s’abritent sous le portique de Rasho pour se protéger de la pluie diluvienne (un élément récurrent chez Kurosawa) et vont raconter à leur manière un événement dont ils ont été témoins : un Samouraï a été retrouvé mort dans un bois. Tout porte à croire que le coupable est le bandit Tajomaru, joué par Mifune.

1952 - Vivre : il s’agit du film préféré de Kurosawa. Takashi Shimura y campe un fonctionnaire proche de la retraite qui apprend qu’il a un cancer de l’estomac et qu’il lui reste trois mois à vivre. Ainsi, après une existance aussi creuse et monotone que son métier, il décide de profiter des derniers jours de sa vie.

1954 - Les Sept Samouraïs : l’histoire se déroule au XVIIe siècle. Une bourgade de paysans est régulièrement pillée par des brigands. Pour faire face à une prochaine attaque, les villageois font appel à des Samouraïs qui se chargent de leur protection. Oscar du meilleur film étranger.

1957 - Le Château de l’Araignée : tiré du Macbeth de William Shakespeare.

Yojimbo

1961 - Yojimbo (Le Garde du Corps) : Deux bandes rivales s’affrontent dans une petite ville près de l’ancienne Tokyo. Un ronin (samouraï mercenaire) errant va s’y installer et offrir ses services aux deux clans. Chef d’oeuvre d’ironie, il bénéficiera d’une suite (Sanjuro) et sera réadapté par Sergio Leone avec Pour une poignée de Dollars ainsi que par Walter Hill (Last Man Standing avec Bruce Willis).

1965 - Barberousse : Ce film relate l’apprentissage d’un jeune médecin destiné à intégrer un hôpital du Shogunat et qui se retrouve parachuté dans un établissement de seconde zone. Le jeune homme doit de plus faire face à Barberousse, le terrible médecin-responsable, joué par Mifune. Ce sera d’ailleurs la dernière collaboration entre Kurosawa et l’acteur.

Dodes'Kaden

1970 - Dodes’Kaden : premier film en couleurs de Kurosawa, qui trouvait que la qualité couleur n’était pas suffisante jusque là. La pauvreté des bidonvilles japonais y est décrite avec une touche d’ironie et de tendresse.

1980 - Kagemusha : vainqueur de la Palme d'Or à Cannes, ce film produit par Coppola et Lucas nous narre une étrange histoire sur l'identité ; Shingen Takeda, à la tête d'un solide empire dans le Japon du XVIe siècle, est tué au combat. Un inconnu lui ressemblant fortement est désigné pour le remplacer, à l'insu de tous.

1985 - Ran, tiré du Roi Lear de Shakespeare.

1989 - Rêves : produit par Spielberg et Lucas. Kurosawa relâchera ce commentaire à propos du film : "Ce sont huit histoires qui racontent des rêves. Les émotions assoupies dans nos coeurs, les espoirs secrets que nous tenons bien cachés en nous, les sombres désirs et les craintes que nous recelons dans un recoin de notre âme, se manifestent avec honnêteté dans nos rêves. Les rêves traduisent ces sentiments, et les expriment, de façon fantastique, dans une forme très libre. Dans ce film, je veux essayer de relever le défi de ces rêves. Certains proviennent de l'enfance, mais il ne s'agit pas d'un film autobiographique, plutôt de quelque chose d'instinctif."

1993 - Madadayo : La dernière oeuvre du maître japonais relate le quotidien d’un vieil enseignant, entre bonheurs et malheurs, et son envie de vivre - Madadayo signifie « pas encore prêt » (à mourir). Un film léger et onirique qui clôt merveilleusement la carrière cinématographique de Kurosawa.

Publié dans Directors

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