AFGHAN WHIGS : Unbreakable, A Retrospective 1990-2006 (chronique, 2007)

Publié le par Systool

J'ai longtemps éprouvé une certaine difficulté à choisir un album qui serait représentatif de la carrière de AFGHAN WHIGS, formation aussi talentueuse que boudée de l'auditorium rock des années 90 qui s'est distinguée par la création d'une musique qui emprunte autant au blues qu'aux vieux punk de REPLACEMENTS. Certes, nombreux sont ceux qui érigent systématiquement Gentlemen (1993) au sommet de l'oeuvre de Greg Dulli et ses comparses, mais il serait dommage d'écarter les sombres 1965 et Black Love. Heureusement, une compilation regroupant les meilleurs titres du groupe originaire de l'Ohio vient régler ce dilemme cornélien. Sept ans après la rupture des AFGHAN WHIGS (si l'on excepte la brève réunion de 2006) paraît donc Unbreakable : A Retrospective 1990-2006, best of de 76 minutes qui pioche allègrement dans le carnet d'adresses flétri de Dulli. Car il faut se lever tôt pour surpasser le leader du groupe en matière de textes désespérés qui transpirent la frustration et le regret, véritable palimpseste des amours déchues.

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La compil débute avec le nerveux Retarded, guitares crasseuses et chant tout en urgence, un brûlot poussiéreux provenant du EP Up in it (1990) et qui n'a rien à envier aux complaintes d'un Cobain. Changement de décor avec Crazy, nettement plus apaisée et mettant en évidence la marque de fabrique des Américains, à savoir la guitare intelligente de Rick McCollum, qui allie avec brio mélodie, groove et énergie et que l'on retrouve par exemple sur la légendaire introduction de Debonair, une chanson qui bénéficia d'une rotation modeste sur MTV à l'époque et qui nous permet à son tour d'apprécier la basse serpentine de John Curley. On remarquera que chaque album est représenté équitablement puisque trois titres sont tirés de Congregation (1991), Black Love (1996) et 1965 (1998) tandis que Gentlemen se taille la part du lion avec quatre pistes, dont la magnifique What Jail is like, menée par les notes mélancoliques d'un piano, ou encore Be sweet. A l'image des albums, cette collection propose un plaisant amalgame de ballades certes inquiétantes (Let me lie to you) mais néanmoins mélodieuses et d'embardées plus musclées (Gentlemen, I'm her Slave), de même que le moyen I'm a Soldier et Magazine, deux titres inédits enregistrés en 2006. Citons encore l'introduction symphonique de Uptown Again, le plastic jazz de John the Baptist, de même que Come see about me et ses choeurs d'un autre temps. On peut certainement regretter l'absence de Fountain and Fairfax, Honky's Ladder ou encore Somethin' Hot, mais il est clair que les rétrospectives s'avèrent toujours un exercice qui peut provoquer des désaccords, son but n'étant évidemment pas de donner une vision exhaustive, mais plutôt d'offrir un panel varié afin que l'auditeur occasionnel puisse trouver quelques clés pour débuter. En cela, Unbreakable réussit parfaitement son pari.

Rangés (bizarrement) sous l'étiquette « rock alternatif » aux côtés des MUDHONEY et autres DINOSAUR Jr, sans doute pour une question d'époque et la signature chez Sub Pop à leurs débuts, les AFGHAN WHIGS ont su nous livrer une oeuvre ayant eu une influence notable pour NOIR DESIR ou encore INTERPOL, un bouquet sonore contrasté et même paradoxal, alliant une musique à la fois racée et accessible à une noirceur que l'on retrouve autant dans les paroles de Dulli que l'artwork et les clips vidéo, expliquant sans doute le manque de retombées au niveau commercial.


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AFGHAN WHIGS – Unbreakable : A Retrospective 1990-2006 (Rhino/Elektra, 2007)



  Le clip de Debonair

Publié dans Rock

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