The Shield (Série TV, Shawn Ryan)
Difficile de résumer en quelques lignes une série TV de la densité de THE SHIELD, dont les sept saisons ont été diffusées sur FX de 2002 à 2008. Récit policier testostéroné créé par Shawn Ryan, il a égréné une foultitude de situations complexes, d'arrestations de gangsters en tout genre, de descentes de flics rompus à l'action. On pourrait débuter par l'équipe de choc (Strike Team), unité spéciale du commissariat de Farmington, dans la banlieue de Los Angeles. Son leader n'est autre que Vic Mackey (M. Chiklis), taureau au crâne rasé, époux et père de trois bambins. Parmi ses lieutenants : Shane Vendrell (W. Goggins), redneck au sourire de décapsuleur, Curtis « Lem » Lemansky, hérisson blond et balèze, ainsi que Ronnie Gardocki, la force tranquille. Dépêchés pour les interventions plus musclées concernant divers gangs du quartier, le quatuor magnifique ne ménage pas ses efforts pour mettre sous les verrous d'affreux lascars, quitte à enfreindre quelques règles de bonne conduite. On ne compte plus les entorses qu'ils commettent pour parvenir à leurs fins : extorsion, chantage, falsification de preuves... et même quelques meurtres.
Toujours est-il que la Strike Team s'avère bigrement efficace et que le capitaine David Aceveda (B. Martinez) préfère dans un premier temps fermer les yeux face aux agissements plus que douteux de ses subordonnés, d'autant qu'il convoite un poste à la municipalité. Rien de mieux que des statistiques avantageuses sur la criminalité locale pour y accéder. Le bercail (The Barn) compte également un duo de détectives de choc, formé par Holland « Dutch » Wagenbach (J. Karnes) et Claudette Wyms (CCH Pounder), particulièrement versés dans les affaires sordides tels que les viols et les enlèvements. Le premier promène sa dégaine de premier de classe dans un costume élimé à cent Dollar (il lui en a coûté 400, en réalité), tandis que Claudette est réputée pour sa droiture et son sérieux. Parmi les autres membres du commissariat, on citera le sergent Danielle Sofer et son élève Julian Lowe.
Les sept saisons de THE SHIELD nous permettent d'aborder bien entendu les travers de criminels récidivistes, les agissements des gangs latinos et noirs de Los Angeles avec un réalisme à couper le souffle. Pas d'esbroufe, pas d'eau dans le vin des dialogues, pas de ruelle nettoyée avant qu'on y filme. Au-delà des enquêtes policières, Shawn Ryan et ses collaborateurs ont surtout voulu dépeindre les relations entre les différents policiers du bercail. Vic Mackey, bien entendu, qui devra composer avec les besoins de sa famille, ce qui se révèle plutôt ardu considérant son engagement professionnel. Il devra surtout tâcher de se dépêtrer des situations périlleuses dans lesquelles il se fourre et bien souvent, ce n'est qu'en commettant une infâmie encore plus grande qu'il parvient à dissimuler les horreurs qu'on lui impute. On a souvent tenté de décrire sa forte personnalité ; calculateur, anarchique, peut-on lire (curieusement) sur le net. Mackey possède à vrai dire un instinct de conservation extrême, ceci lui permettant de protéger les siens face à l'adversité, mais aussi de balancer les autres quand tourne le vent. On peut résumer sa philosophie de flic corrompu par la maxime machiavélique « la fin justifie les moyens ». Shane Vendrell est son bras droit et on peut admettre qu'il a suivi avec assiduité les leçons de son mentor. Plus rigolard et frimeur, il contraste avec Lem, l'esprit le plus moral de la Strike Team avec Ronnie. Ce dernier est plutôt discret les premières saisons, mais gagnera en importance par la suite.
THE SHIELD traitera également des relations de pouvoir de la police avec les gangs, mais aussi avec les autres brigades et les autorités. Chacun peut y trouver son bénéfice s'il parvient à tirer sur la bonne ficelle, en faisant taire des témoins ou promettre un avantage à une autre personne impliquée. Le réalisme de la série s'avère certainement l'un des éléments qui saute aux yeux dès le premier épisode : un rendu très « documentaire » dans les mouvements hasardeux de la caméra, dans la façon de suivre l'enquête, un rythme effréné et des dialogues garantis sans édulcorants. Quelle que soit la façon de diriger du réalisateur (une bonne trentaine ont défilé, parmi lesquels le regretté Scott Brazil), Shawn Ryan a tenté de conserver cette patte. Bien entendu, tous les épisodes ne sont pas inoubliables et avec un peu de recul, on peut concéder que la série a peut-être duré un à deux saisons de trop, mais THE SHIELD fait preuve d'une fabuleuse homogénéité. Parmi les quelques guest stars, on ne peut s'empêcher de citer Glenn Close qui officie comme le capitaine réformateur de la saison 4, ou encore Forest Whitaker, interprétant un agent des affaires internes qui tentera de faire couler Mackey et la Strike Team. Citons en outre plusieurs rappeurs qui y font une apparition plus ou moins remarquée, tels que Sticky Fingaz d'ONYX qui campe un chef de gang ou Andre Benjamin d'OUTKAST, hilarant dans le rôle d'un justicier vendeur de comics puis candidat à la mairie de Farmington.
Lorsqu'on arrive à la conclusion de cette série épique, dans une septième saison riche en émotions, on ne peut s'empêcher de repenser à la multitude d'événements qui nous ont menés jusque là. THE SHIELD n'est pas une série de mauviettes et elle ne trônera jamais dans le classement des spectacles les plus hype. Mais au même titre que THE WIRE ou THE SOPRANOS, elle a su apporter à sa manière – parfois trop rentre-dedans à l'image de son générique braillard – sa pierre à l'édifice de la télévision américaine qui compte. (C) Systool, 6/2010
THE SHIELD
créé par Shawn Ryan
2002 à 2008
avec M. Chiklis, C. Dent, W. Goggins