THE BLACK KEYS : Brothers (chronique, 2010)
On sent que le duo de l'Ohio tente ces dernières années de proposer quelque chose de différent que le blues des familles auquel il nous avait habitués à ses débuts. Les teintes psychédéliques de leur chef-d'oeuvre Rubber Factory ont laissé la place à des ambiances feutrées, des balbutiements électroniques en compagnie de DANGER MOUSE sur Attack & Release, ou encore la collaboration avec une flopée de rappeurs sur BLAKROC l'an dernier. Mais c'est véritablement l'album solo de Dan Auerbach qui a changé la donne, semblerait-il. Rapidement considéré comme du sous-BLACK KEYS par des auditeurs distraits, cette galette mettait en valeur le talent de songwriter du guitariste barbu, son souhait d'intégrer de nouveaux instruments (claviers, glockenspiel, sitar...) et ses aptitudes de producteur. Ainsi, la nouvelle décennie voit la sortie de Brothers, soit 15 titres qui font la nique à l'immobilisme qui poignait sur Magic Potion et Attack & Release, dans une moindre mesure. Les riffs musculeux ont totalement disparu, Auerbach leur préférant des salves de licks hypnotiques, des guitares carillonnantes et un rendu très pop-rock. Son acolyte Pat Carney règle sa batterie sur un impassible 70 BPM et c'est parti pour près d'une heure de montagnes russes.
La voix de fausset de Danny fait des merveilles sur Everlasting Light, dont les choeurs ne manqueront pas de surprendre l'audiophile. On enchaîne avec la poppy Next Girl, ses notes de guitare trainantes et le timbre caractéristique du chanteur qui jure qu'on ne l'y reprendra plus avec des filles au caractère changeant (ce qu'il nous promet depuis dix ans). Mais c'est Tighten up et son intermède nous prenant à rebond qui mérite la palme de la coolitude 2010, comme en témoignent les sifflotis et la batterie facétieuse de Carney. Le blues est à l'honneur sur She's long gone et son riff glissant dans nos tympans comme une belle étoffe de soie, avant les réminiscences presque orientales du refrain. On peut se questionner sur l'intérêt de l'instru Black Mud, de même que le mitan de l'album qui comprend quelques titres plus dispensables, à l'image de la ballade The Only One ou Sinister Kid que BECK n'aurait pas rechigné à intégrer à Modern Guilt, même si le solo de lap steel est sympathique. On perçoit que Dan Auerbach fait son possible pour ne pas tourner en rond, instillant des claviers spectraux sur The Go Getter ou un clavecin sur Too afraid to love you, mais THE BLACK KEYS s'avèrent définitivement meilleurs quand ils naviguent dans un blues plus classique (Unknown Brothers) ou la soul déchirante de Never give you up.
Brothers peine à satisfaire pleinement, le duo étant sans cesse tiraillé entre ce besoin de conserver ses bases et son souhait d'innover un tant soit peu. Mais ce sont finalement surtout quelques refrains nonchalants et certains riffs un peu convenus qui minent le succès de ce sixième album à la pochette simpliste. Dans tous les cas, THE BLACK KEYS sont parvenus à égayer leur discographie en y apportant des teintes plus légères et colorées, ce qui n'est pas à la portée du premier groupe de blues venu...
THE BLACK KEYS – Brothers (Nonesuch Records, 2010)
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