The Wire (David Simon, HBO)

Publié le par Systool

THE WIRE est une anomalie dans le panorama audio-visuel américain. Cette série créée par David Simon et diffusée par HBO depuis 2002 a dressé un portrait cinglant de la ville de Baltimore, et par extension du pays tout entier. En cinq saisons, réalisées de 2002 à 2008, nous avons pu discerner autant de thèmes centraux : le trafic de drogue, les dockers, l'administration, le système socio-éducatif et la presse. Pas mal pour une série télévisée passant sur une chaîne cablée! David Simon, ancien journaliste au Baltimore Sun et son compère Ed Burns, inspecteur de police puis enseignant, ne se placent pas en universitaires bornés ou en entertainers coupés des réalités. Ils connaissent leur ville de Baltimore, qui s'est liquéfiée sous leurs yeux, année après année. Parangon américain de la criminalité, du chômage et de la délinquance, « Balmore » n'a plus le statut enviable des années 80, et la municipalité, les enseignants, la police essaient tant bien que mal d'éradiquer ces fléaux. Néanmoins, THE WIRE n'a pas pour but de marginaliser les criminels. Au contraire, Simon tente d'expliciter le contexte difficile dans lequel vit notamment la population afro-américaine - qui n'est pas une « minorité » puisqu'elle représente 70% de la population dans certains quartiers.

 

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THE WIRE est également une anomalie parce qu'elle ne met pas en scène de personnages aimables, de superhéros au grand coeur et de gros méchants tout moches. Jamais une série télévisée ne s'est autant rapprochée de la réalité en dépeignant des individus aux états d'âme complexes et nuancés. Frustration, ambition, lâcheté. Aussi, il s'avère parfois difficile de ne pas pouvoir se rattacher à une figure salvatrice, en qui on pourrait croire, qui nous donnerait espoir au sein de ce marasme. On est systématiquement déçu par la direction que prend une enquête, par les magouilles des politiciens, l'impuissance des autorités. David Simon et ses nombreux collaborateurs ont par ailleurs pris le parti de filmer leurs scènes tranquillement, sans y ajouter de suspense pesant, ni d'intégrer une bande-son factice (hormis la musique qui sort d'appareils appartenant à la scène, bien sûr). Si l'on excepte les cadrages plutôt léchés, on pourrait finalement croire qu'il s'agit davantage d'un documentaire que d'une oeuvre de fiction. Et il est à noter que parmi les acteurs engagés, il n'est pas rare d'y trouver de vraies figures de la ville (un ancien maire, et même plusieurs délinquants!), ou du moins des références à des personnages ayant véritablement existé.

 

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Ainsi, est-il vraiment nécessaire de parler d'un thème plutôt qu'un autre? Pas vraiment. Tout se recoupe, en fin de compte : la question de la drogue est certainement le fil rouge de THE WIRE, tandis que la situation précaire des dockers est abordée de façon isolée dans la deuxième saison. Le rôle de l'administration et des politiques prend une place prépondérante par la suite, avec notamment la campagne électorale pour le poste de maire en 2004, les jeux d'influences, les stratégies, les promesses (non tenues). Suivront donc l'état de délabrement extrême dont souffre le système scolaire et les difficultés de la presse écrite. Afin de conserver une ligne directive, nous voyons évoluer un certain nombre de personnages tout au long de ces cinq saisons : ainsi, les divers membres de la police, tels que Jimmy McNulty (Dominic West), grande gueule et buveur invétéré, Bunk Moreland, véritable caricature du détective cool, ou encore l'inébranlable Lester Freamon. Parmi les caïds de Baltimore, on citera le clan d'Avon Barksdale, son bras droit accessoirement étudiant en sciences économiques Stringer Bell (Idris Elba) ou Marlo Stanfield qui se succéderont sur la plaque tournante de la drogue. Le candidat à la mairie Thomas Carcetti et le préfet Burrell apportent pour leur part la vision plus politique de la situation. Et puis, on y trouve des figures totalement atypiques, suivies de façon transversale, comme Bubbles (Andre Royo), un toxicomane faisant office d'informateur auprès de la police, ou Omar Little (Michael K. Williams), un braqueur de dealers homosexuel qui est considéré comme le personnage favori de... Barack Obama, un grand fan de la série, semblerait-il!

 

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THE WIRE est le coup de sang maîtrisé de David Simon face à la déliquescence de la société américaine, un jeu tragique dont les dés sont pipés, au vu et au su de tous. La détermination et le courage dont font preuve ceux qui tentent un changement n'en sont que plus touchants. (C) Systool, 8/2010

 

THE WIRE

USA – 2002 à 2008

Créé par David Simon

Avec Dominic West, Clarke Peters

Publié dans TV Series

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D
<br /> Oh ! Intéressante "thématique"... L'a décidément l'air de vouloir un peu en découdre, ce garçon-là. J'irai regarder tout ça ;-)<br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Je suis en train de voir TREME, la nouvelle série de D. Simon, excellente également... quelques couples dans une Nouvelle-Orléans post-Katrina...<br /> <br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> J'ai plutôt renoncé aux séries, mais j'ai gardé dans un coin de ma tête que je tenterai celle-là. J'espère la recevoir aussi bien que toi :-)<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Une excellente série, très humaine et profonde. C'est rare de voir un travail d'une telle ampleur, aussi méthodique. Bravo à David Simon et son équipe!<br /> <br /> <br /> <br />
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T
<br /> <br /> Salut Doc Nicolas, ça fait toujours plaisir de rencontrer de nouveaux convertis à cette formidable série !<br /> <br /> <br /> <br />
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