A Serious Man (Joel et Ethan Coen, 2009)
Quand Larry Gopnik constate que son voisin empiète sur sa pelouse, il est à des lieues de savoir que sa petite vie bien rangée va rapidement virer au cauchemar. Ce professeur de physique juif enseignant dans une Uni du Midwest, en 1967, va se tourner vers Dieu lorsqu'il verra les différents pans de son existence se désagréger irrémédiablement : son épouse veut se faire la malle, sa fille ne pense qu'à se laver les cheveux, son fils écoute du JEFFERSON AIRPLANES et un étudiant coréen se fait menaçant en raison d'une note insuffisante que Gopnik lui a attribué aux partiels.
On a décrit A SERIOUS MAN comme le film le plus personnel des frères Coen, entité bicéphale qui s'est distinguée par son audace, sa verve et sa prolixité et à qui on doit rien de moins que FARGO, THE BIG LEBOWSKI, NO COUNTRY FOR OLD MAN ou plus récemment BURN AFTER READING. En l'occurrence, pas de stars à l'horizon, tout au plus des acteurs doués qu'on a croisés ici ou là mais dont on ne se souvient jamais du nom. Il est clair que l'existence de Joel et Ethan Coen, dans le Minneapolis de la fin des années 60, pouvait ressembler à cela : des ados bercés par le psychédélisme (d'ailleurs Abraxas de Santana n'était pas sorti en 1967...), trop à l'étroit dans une famille de la classe moyenne et une communauté juive tiraillée entre tradition et modernité. Ainsi, Larry Gopnik accumule les tuiles avec son air ahuri et n'aura d'autre solution que de rendre visite à différents rabbins pour trouver une clé à ses déboires. Mais on sait bien que les voies du Seigneur sont impénétrables et que finalement, il faut se résoudre à accepter ce qui nous tombe sur le travers du crâne, comme le résume l'épigraphe d'A SERIOUS MAN. Pire, la réponse à chaque question que se pose Larry n'est rien d'autre qu'une nouvelle question, plus insoluble encore...
Abordant avec un malin plaisir des thématiques aussi graves que communes, les frères Coen nous livrent ainsi une vision intimiste, amère et désabusée de la vie, même si leur humour pince-sans-rire pointe le bout de son nez dans chaque réplique. Les procédés de répétition, les décors, la musique entêtante du fidèle Carter Burwell, tout contribue à créer un climat aliénant, qui dérange et amuse dans le même temps le spectateur, comme ceci est souvent le cas avec la filmographie des frangins. A SERIOUS MAN se place comme un faux film mineur car il aborde subtilement la plupart des thèmes fétiches des frères Coen avec leur proverbiale ironie : pour contrer ses problèmes de communication (que ce soit avec ses proches, ses collègues, son antenne de télévision et... Dieu!), Larry a essayé de se comporter en homme sérieux, apportant le pognon à la maison et oeuvrant pour sa communauté, afin de faire face à la condescendance, au vice et à la frivolité. Le hic, c'est que le destin s'acharne sur lui, comme la curieuse scène introductive semble l'annoncer. Peut-être qu'à l'image des frères Coen, il suffit de prendre la vie avec davantage de dérision...
A SERIOUS MAN
USA – 2009
Réalisé par Joel et Ethan Coen
Avec Michael Stuhlbarg, Richard Kind et Adam Arkin
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La chronique de Rob Gordon, Cluny, Jumbo et la Quenelle Culturelle