Michel Houellebecq : La Possibilité d'une Ile (chronique)
Dès son premier roman, Extension du domaine de la Lutte, paru en 1994, Michel Houellebecq défraie la chronique à chacune de ses nouvelles sorties littéraires. Ainsi, après Les Particules élémentaires et Plateforme, il nous livre son nouveau méfait pour la rentrée : La Possibilité d’une Ile. Ce dernier a mis le feu aux poudres avant même de paraître, et ceci pour plusieurs raisons : Houellebecq a signé un contrat de plus d’un million d’Euros avec une nouvelle maison d’édition (Fayard) ; les magazines spécialisés censés faire une critique en avant-première dudit roman auraient été soigneusement triés sur le volet pour qu’il récolte des avis favorables. Enfin, on savait qu’une thématique toujours difficile à (di)gérer – les sectes – allait être abordée puisque Houellebecq a fait une rencontre avec Raël, le fameux « prophète » dont les extraterrestres et le clonage sont le cheval de bataille.
Alors quid de cette Possibilité d’une Ile ? Difficile de se faire un avis à priori tant les critiques sont tranchées : certains crient au génie (Goncourt ?) tandis que d’autres descendent sans sommation ce « scribouillard à peine capable de soulever la polémique pour vendre ses bouquins axés cul et pseudo-science ». A noter cependant que dans la plupart des critiques négatives, les journalistes se contentent de sortir des phrases « choc » de leur contexte et – pire – ne semblent pas avoir lu plus de cinquante pages du roman !
La trame peut se résumer en quelques lignes : Daniel est un humoriste renommé en France. Ses sketches cyniques et grinçants sont appréciés et il jouit d’une situation financière enviable. Installé dans une belle demeure de vacances à Lanzarote, en Espagne, il rencontre Isabelle, une quadra avec laquelle il établit une relation stable durant quelque temps. La décrépitude du corps fera le reste et Daniel se retrouvera à nouveau seul, avant de faire la connaissance d’Esther, une jeune comédienne espagnole. Voilà de quoi traite ce roman. Pas bien révolutionnaire, me direz-vous ? Et pourtant, au-delà de la similitude évidente (?) entre Houellebecq l’écrivain et Daniel le comique, on est surpris de remarquer le traitement des émotions et des sentiments de la part de l’auteur. Il semble bien loin, le Houellebecq sans cœur de Extension du Domaine de la Lutte.

D’autres éléments essentiels méritent un commentaire : Daniel s’acoquinera un moment avec les Elohimites, une secte clairement inspirée des Raëliens, sans pour autant adhérer à leurs thèses. Ces derniers prônent une liberté individuelle totale et promettent la vie éternelle, via le clonage, à leurs adeptes. Mais le tour de force de Houellebecq réside dans l’introduction de deux autres personnages, Daniel24 et Daniel25, deux descendants néo-humains de l’humoriste qui commenteront tour à tour les démarches de leur aïeul en relisant les traces écrites qu’il aura laissées. Là encore, rien de nouveau sous le soleil puisque nombre d’auteurs de science-fiction ont déjà adopté ce procédé. Et pourtant… Houellebecq donne l’impression qu’il s’agit avant tout d’un prétexte pour critiquer le comportement de nos congénères et clarifier comment l’humanité serait parvenue à un tel degré de non-communication entre les individus. Il n'en demeure pas moins vrai que la dernière partie du roman, où un clone de Daniel nous gratifie d'une étude étho-biochimique rébarbative, achève de nous laisser une impression mitigée quant à la qualité de La Possibilité d'une Ile. Amour, contraste jeunesse-vieillesse... des thèmes pas bien nouveaux auquel le bon Michel n'apporte finalement pas grand chose d'éclatant. Une semi-déception, en fin de compte. Espérons que l'auteur des Particules élémentaires saura rebondir à la prochaine occasion.
LA POSSIBILITE D'UNE ILE, de Michel Houellebecq, Editions Fayard, 2005, 488 pages. 20 Euros