Jean-Pierre Jeunet : Délicate et saine? (filmographie)

Publié le par Systool

Jean-Pierre Jeunet est sans aucun doute l’un des réalisateurs français les plus célébrés des années 90. Débutant comme tant d’autres dans la publicité et les vidéo-clips, il collabore étroitement avec le dessinateur Marc Caro, dont il porte à l’écran les univers colorés et burlesques. Leur collaboration durera jusqu’en 1995. Après quoi, Jeunet fera cavalier seul et remportera de francs succès avec le quatrième épisode de ALIEN et surtout LE FABULEUX DESTIN D’AMELIE POULAIN et UN LONG DIMANCHE DE FIANCAILLES.

 


Ses premiers courts-métrages d’animation, L’EVASION (1978) et MANEGE (1980) apportent déjà une certaine reconnaissance au binôme Jeunet/Caro qui enchaînent avec LE BUNKER DE LA DERNIERE RAFALE (1981) et PAS DE REPOS POUR BILLY BRAKKO (1984). Enfin, c’est la consécration en 1989 : leur court FOUTAISES remporte un César et de nombreux prix de festival.

Les deux acolytes sont fin prêts pour le grand saut et leur premier long-métrage, DELICATESSEN, fait l’effet d’une bombe : 4 Césars, dont celui de la Meilleure première œuvre, plusieurs prix dans le monde entier et une réussite commerciale autant en France qu’à l’étranger. Les cinéphiles ont découvert le monde passionnant de Jeunet & Caro. Le synopsis peut se résumer en quelques lignes : nous suivons les habitants d’un immeuble appartenant au boucher du coin (Jean-Claude Dreyfus), dont le magasin se trouve au rez-de-chaussée. Dans ce futur post-apocalyptique, le boucher fait office de véritable sauveur, puisque les locataires ont le choix de déguster une viande excellente. Or l’un d’eux, un apprenti-clown joué par Dominique Pinon (un acteur fétiche de Jeunet) va découvrir la provenance de cette chair… ainsi que l’existance de curieux révolutionnaires vivant dans les égoûts, les Troglodytes. Ce qui marque immédiatement est la patte visuelle du duo Caro/Jeunet, leur traitement des couleurs et des ambiances qui donnent un aspect très « comic-book », sans compter l’humour acide et les situations absurdes qui font immanquablement penser à Terry Gilliam, membre des Monty Pythons et réalisateur acclamé de BRAZIL. A noter par ailleurs que Gilliam a présenté DELICATESSEN lors de sa sortie aux Etats-Unis.

 

 


Quatre ans plus tard, Jeunet et Caro reviennent avec LA CITE DES ENFANTS PERDUS, dont le projet leur tenait à cœur depuis dix ans. Encore une fois, on est émerveillé par les trouvailles visuelles et scénaristiques des deux bonshommes ; on voit évoluer le Docteur Krank (Daniel Emilfork), savant fou ayant perdu la capacité de rêver qui a fabriqué une étrange machine capable de happer les rêves des enfants que Krank aura enlevé. Mais voilà que le frère de Krank, appelé One et interprété par le monstrueux Ron Perlman (qu’on a vu récemment dans HELLBOY), va sur cette île pour délivrer ces enfants. Il fera alors la rencontre d’étranges personnages tels que de curieux clones (Pinon) ainsi que Miette (Judith Vittet), une jeune fille qui pourrait peut-être l’aider dans sa mission…


 

En 1997, Jeunet se lance en solo dans une nouvelle suite de ALIEN, la fameuse franchise pour laquelle Ridley Scott, James Cameron et David Fincher ont déjà contribué. Ce quatrième épisode, ALIEN : RESURRECTION, reprend certains thèmes des précédents opera tels que la déshumanisation dans le style désormais affirmé de Jeunet. A noter que Marc Caro, sans s’impliquer dans la réal, est tout de même appelé comme designer en chef… Après ce semi-échec critique et commercial, Jeunet poursuit en cavalier seul sur ce qui s’avèrera son succès majeur : LE FABULEUX DESTIN D’AMELIE POULAIN. L’affluence en salles est phénoménale (en France, la barre des 10 millions de spectateurs est franchie) et Audrey Tautou, l’actrice principale du film, accède à une notoriété importante. Inutile de résumer l’histoire, puisque tout le monde la connaît probablement. Outre le fait de partager la patine des réalisations précédentes, AMELIE POULAIN est empli d’un humanisme et d’une naïveté qui étaient moins prononcés jusqu’alors. L’humour mutin supplante également le cynisme de DELICATESSEN et LA CITE DES ENFANTS PERDUS. L’un des attraits principaux de cet opus, en dehors des prestations doucement décalées de Tautou ou Kassovitz (qui joue Nino, son amoureux) réside dans le traitement des ambiances : situé historiquement à notre époque, AMELIE POULAIN n’en conserve pas moins une esthétique très « vieille France » avec son quartier de Montmartre de début XXème. De plus, Jeunet utilise certains gimmicks comme les « j’aime / j’aime pas » pour présenter les différents personnages, procédé qu’il avait déjà utilisé dans son court FOUTAISES avec Dominique Pinon.


 

Jean-Pierre Jeunet doit alors confirmer tant au niveau de la qualité que des entrées son statut de fier représentant du cinéma français… et il adapte en 2004 le célèbre roman de Sébastien Japrisot, UN LONG DIMANCHE DE FIANCAILLES, non sans rappeler Audrey Tautou dans le rôle-phare. Situé, et c’est une première pour Jeunet, dans un contexte historique bien réel – la Première Guerre Mondiale – le film nous fait suivre Mathilde (Tautou), une jeune fille timide dont le cœur est promis à un certain Manech (Gaspard Ulliel), parti au front. La situation se complique lorsque Mathilde reçoit un courrier nous expliquant que Manech fait partie d’un groupe de cinq soldats condamnés à mort pour s’être mutilé volontairement afin de pouvoir rentrer plus rapidement. Or, Mathilde n’ose croire à la mort de son idylle et engage un détective (Ticky Holgado dans son dernier rôle) pour enquêter sur cette affaire…


 

Jeunet nous délivre une œuvre qui, malgré le ton poétique et parfois humoristique qu’on lui connaît, a acquis une noirceur nouvelle, révélée dans les terribles tranchées que Jeunet nous expose avec sa propension habituelle à se focaliser sur des détails en apparence anodins, mais qui se révèlent adéquats pour cerner dans une certaine mesure la condition inhumaine des conscrits…

 

 

Publié dans Directors

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S
Oui, bon, ALIEN 4... :-)
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R
Pour être tout à fait honnête, moi non plus je ne les ai pas revu depuis leurs sorties respectives. Enfin à part Alien 4 mais là je préfère éviter carrément le sujet sinon je vais m'énerver tout seul haha. Robby.
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S
C'est un point que j'ai de la peine à analyser en ce moment (parce que je viens de me réveiller après une nuit de garde mais surtout) parce que cela fait quelques années que je n'ai pas vu ces films et ce que tu me dis ne m'avais pas marqué! Merci je note ;-)
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R
Bonjour,Oui Systool je pense comme toi, depuis le départ de Caro, une bonne partie de ce qui faisait l'intérêt des films de Jeunet est parti avec lui. Cela dit, pour moi, leurs films (peut être à part Delicatessen) manquent tous de rythme dans la narration. Je ne parle pas de cascades ou de poursuites hein... Je parle de l'écriture des scénars.La Cité des Enfants Perdus est un film somptueux mais je m'y suis terriblement ennuyé. Il manque toujours ce quelque chose qui "électrise", qui emporte au delà de la beauté d'une image. Pour moi c'est un problème typiquement français, un "manque de rigueur" dans l'écriture. On a du mal à faire "dense".Je précise que je n'ai pas vu Un Long Dimanche...Robby (qui va se faire allumer haha)
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S
Geloyan : Avis aux amateurs!
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