MASTODON : Crack the Skye (chronique, 2009)
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’avec MASTODON, j’ai persévéré. Cette histoire remonte à 2004, soit la sortie de Leviathan, deuxième album des Géorgiens (from the state of Georgia, USA). Premier contact que nous qualifierons de mitigé. Deux ans plus tard, rebelote avec Blood Mountain. Passée la collaboration du chanteur / guitariste Brent Hinds avec DILLINGER ESCAPE PLAN sur l’excellent Horse Hunter (in Ire Works, 2007), les mammouths réalisent un retour en fanfare avec Crack the Skye. Le titre est un hommage (et jeu de mots) à Skye Dailor, petite sœur du batteur Brann Dailor, suicidée à 14 ans. Produit par l’ubiquitaire Brendan O’Brien (PEARL JAM, RAGE AGAINST THE MACHINE), la galette se veut un curieux melting pot traitant des trous noirs, de divinations et de Raspoutine.
Basically we're exploring the ethereal world. We're dissecting the dark matter that dominates the universe, in a nutshell
Dixit l’allumé bassiste et vocaliste Troy Sanders. Rien que ça ! On a parfois critiqué la vision terre à terre des métalleux, mais dans le cas de MASTODON, on se trouve face à une situation diamétralement opposée. En effet, la formation a de tout temps privilégié des propos abscons et des concept albums ambitieux (Leviathan se voulait une refonte musicale de Moby Dick !), et en ce sens, Crack the Skye se place comme le parangon actuel de l’excentricité thématique des Américains, même si par moments, les textes peuvent prêter à sourire poliment. Musicalement, le propos est similaire eu égard à sa tortuosité aux confins du prog et du psychédélique. Oeuvrant dans un heavy metal nerveux mais non dénué de subtilités, le groupe s’est illustré notamment dans le jeu particulier de l'hirsute Brent Hinds qui, lorsqu’il ne se bagarre pas avec le bassiste de SYSTEM OF A DOWN (cf l’incident aux MTV Video Music Awards de 2007 lui ayant valu une hémorragie cérébrale), nous tricote des licks serpentins tributaires de son amour pour le banjo.
En effet, vous constaterez que la plupart des intros de Crack the Skye débutent par ces triolets rapides, comme par exemple Divinations, alléchant premier single. Hinds, Sanders et Dailor s’alternent comme à leur habitude devant le micro, faisant s'enchaîner des lignes vocales tantôt aériennes tantôt plus agressives. Le résultat peut s'avérer probant (The Czar) ou carrément insupportable (Quintessence). On appréciera particulièrement le refrain d’Oblivion, qui n’est pas sans rappeler STONE TEMPLE PILOTS, groupe dont l’intégralité de la production avait été confiée à… O’Brien, justement ! Hormis certains plans un peu datés faisant par moments penser à METALLICA (en compagnie desquels les musiciens d'Atlanta tourneront prochainement), MASTODON nous assène sans discontinuer une mixture abrasive agrémentée de fioritures empruntées au rock progressif, voire même une touche emo-core (sur le refrain du morceau-titre). Il est intéressant de constater qu’à la différence de Blood Mountain, le groupe se concentre ici davantage sur les textures que sur la virtuosité technique. Ceci est le cas notamment de la pièce centrale, The Czar, découpée en 4 parties.
Trips occultes, mysticisme et Russie tsariste… MASTODON devient avec Crack the Skye le chainon manquant entre les aventures du démon HELLBOY et les frasques romanesques de Boris Akounine, le tout en version « 120 Décibel dans les esgourdes et même pas mal». Qui l’eut cru ?
MASTODON – Crack the Skye (2009, Reprise Records)