C.R.A.Z.Y. : Ground Control to Major Zac (Jean-Marc Vallée, 2006)
Christian, Raymond, Antoine, Zachary et Yvan (C.R.A.Z.Y.) sont les cinq fils de M. et Mme. Beaulieu, une famille ordinaire de Montréal. On suit le parcours de Zac, né le jour de Noël 1960 comme le petit Jésus et promis à de grandes choses selon sa mère qui voit en lui un garçon doté du pouvoir de guérison des brulûres et des hémorragies. Pour le papa Beaulieu, plus conventionnel, Zac semble la réincarnation du batteur Buddy Rich. On suivra ainsi le garçon à différentes époques-charnière de sa vie : à 6 ans où il est interprété par le mignon Emile Vallée (le fils du réalisateur de C.R.A.Z.Y., Jean-Marc Vallée) puis à 15 ans et 20 ans, où le jeune homme, entre musique rock et pétards, découvre les affres de l’adolescence.
Le film doit beaucoup à Marc-André Grondin, l’acteur principal qui campe Zac et qui mène le film quasiment de bout en bout. Une belle gueule de rock star et un regard hypnotique qui détonne avec ses frères (l’intello, le sportif, le loubard et le petit dernier) dont on ne parlera pour ainsi dire pas, si ce n’est Raymond qui se perdra dans les méandres de la drogue. La relation privilégiée dans ce film est celle que Zac entretient avec sa mère Lauriane (Danielle Proulx), sorte de Madone vers laquelle il pourra toujours se confier, mais aussi avec son père, le bourru Gervais (Michel Côté) qui, à chaque veillée de Noël, nous propose d’interpréter du Charles Aznavour. Ce sont ces petites choses qui rendent C.R.A.Z.Y. attachant, de par le côté soit-disant ordinaire mais émouvant de cette famille canadienne.
Bercé par la musique de David Bowie (Space Oddity) et les Pink Floyd (The Great Gig in the Sky et Shine on you crazy Diamond), Zac fait ses expériences d’ado, dont la classique recherche de l’orientation sexuelle et son histoire, inspirée de la vie du scénariste François Boulay, servira de fil rouge à C.R.A.Z.Y., qui élude totalement les autres composantes du récit : qu’en est-il des autres frères dont on ne sait quasiment rien d’autre que ce qui a été déjà cité plus haut ? Et d’ailleurs, que fait Zachary dans la vie ? On apprend vaguement qu’il travaille dans un club de musique, mais il est clair que la préoccupation principale du réalisateur est de nous questionner sur deux points : 1. Zac est-il gay et si oui, ses parents vont-ils endurer ce choix ? 2. Zac va-t-il éventuellement guérir de son asthme ? Ceci constitue la faiblesse principale du synopsis qui est par ailleurs calé sur deux gros rails, soit un pseudo-parallèle avec la vie de Jésus ainsi que le fameux vinyl de Patsy Cline (le titre « Crazy ») que le papa Beaulieu adore. Zac cassera accidentellement le disque étant petit, mais il tâchera d’en retrouver un autre exemplaire…
C.R.A.Z.Y. a obtenu de nombreuses récompenses dans sa terre natale (10 Genie Awards, l’équivalent des Oscars canadiens, et 13 Jutras qui correspondent aux Césars) et il est clair que le film de Jean-Marc Vallée nous dépeint une belle histoire, et ce avec une certaine assurance au niveau du montage et une bande-son sympathique (les Rolling Stones durant la messe…), mais force est de constater que passée la première moitié du film, il mine quelque peu son œuvre en noyant son propos dans cette recherche d’identité sexuelle. On évite certes les poncifs moralisateurs du genre, mais cette question semble à tel point éluder les autres aspects du film que cela en devient réellement décevant. Outre cette critique, C.R.A.Z.Y. recèle des qualités et une fraiche nostalgie que les blockbusters du moment ne possèdent probablement pas, et juste pour cela, il est tout à fait appréciable de lui donner une chance, d’autant que le québécois sous-titré en français, ça ne se voit pas tous les jours…
C.R.A.Z.Y. – Canada (2005)
Réalisé par Jean-Marc Vallée
Scénario de Jean-Marc Vallée et François Boulay
Avec Michel Côté, Marc-André Grondin, Danielle Proulx…