Street Trash (Jim Muro, 1987)
Dans une Amérique traumatisée par le reaganisme et où pullulent les clodos sévit Fred (Mike Lackey), une sorte d'Ewan McGregor jouant Obi Wan Kenobi qui aurait viré loqueteux. Celui-ci survit grâce à la fauche et crèche dans une décharge de bagnoles avec son frère Kevin (Mark Sferrazza). Son quotidien se résume à chiper une bouteille d'alcool, se friter avec d'autres crève-la-faim et, lorsque la chance lui sourit, de trouver une demoiselle compatissante sans condylomes. Aujourd'hui, son grossiste favori semble avoir déniché la perle rare : un breuvage violacé répondant au doux nom de Tenafly Viper. Il semblerait que cette mixture ne soit pas très recommandable puisque celui qui y goûte se met irrémédiablement à fondre. D'où la classification de ce film, que les spécialistes considèrent comme un melt movie.
Street Trash est le premier et le seul film réalisé par Jim Muro. Quand on voit le résultat, on comprend que le gaillard n'ait pas poursuivi son effort. Remarque à double tranchant, puisque c'est à la fois une farce ridicule dans la tradition des pires films gores et un classique insurpassable de jusqu'au-boutisme cinématographique. Muro s'est par la suite distingué comme l'un des opérateurs de James Cameron sur Abyss et Titanic. Mais en 1987, on était encore bien loin des maîtres du monde, même si la pellicule de Street Trash prend d'emblée de curieux airs de naufrage. On peut dire que les marginaux de Kurosawa dans Dodes'Kaden sont touchants, ceux de Caro et Jeunet dans La Cité des Enfants Perdus sont burlesques, mais ceux de Muro sont simplement hideux, bêtes et en proie aux sentiments les plus vils. Leur chef de file n'est autre qu'un certain Bronson (Vic Noto), vétéran de la guerre du Vietnam qui mène ses hommes au doigt et à l'oeil. Hormis ces tribulations de sans-abris, on pourra suivre la romance entre Fred et Wendy (Jane Arakawa) et l'enquête de la police face à ces morts fondus en série. A peu de choses près, on détient la totalité de ce scénario anémié. Le point fort de Street Trash, si l'on excepte les scènes où des bonhommes fondent comme des bougies sous le soleil de l'Arizona et déversent un liquide fluorescent, ce sont les dialogues d'une bêtise sans nom. Il ne se passe pas trente secondes sans que l'on ait droit à une tirade qui mériterait sa place dans les an(n)ales du cinéma. L'interprétation vaut également son pesant de caca(huètes), tant la plupart des acteurs sont peu crédibles. Les scènes cultes foisonnent : vol à l'étal dans un supermarché, bastons, viol collectif... sans oublier la scène de la quéquette. Eh oui! Vous connaissez la mouche, le jeu consistant à se passer un objet que la personne au centre doit essayer d'attraper? Dans Street Trash, on fait ça avec une bite.
Ce qui marque également est le non-conformisme de cette oeuvre, Muro dénonçant les inégalités sociales en dépeignant sans complaisance les rebuts de la société, mais aussi des représentants d'autres classes (étudiants froussards, flics retors, mafieux véreux). Epaulé par Roy Frumkes, le réalisateur dresse ainsi un tableau au vitriol de la société américaine déliquescente, plus drôle que les zombies de Romero et moins teenager que Sam Raimi période Evil Dead. Du quinzième degré, dont une suite serait prévue pour bientôt! Tous à couvert...
STREET TRASH
USA – 1987
Réalisé par J. Michael Muro
(Merci Renaud)