CALEXICO : Carried to Dust (chronique, 2008)
Si votre conception de l’indie rock se résume à une bande de galopins égrenant trois notes durant 5 minutes en prenant un air absorbé, il y a fort à parier que l’écoute des prouesses musicales de CALEXICO vous laisse une curieuse sensation d’égarement. Votre perspicacité saura néanmoins déjouer ce genre de classifications réductrices. En effet, la formation centrée autour de Joey Burns et John Convertino s’illustre davantage par la diversité de son orientation que par la coupe de cheveux de son leader (quoique). Versatiles au possible, comme en atteste la discographie plus que fournie (6 albums officiels, une poignée d’EP et de nombreux Tour-CDs), ces musiciens habités font feu de tout bois, intégrant des éléments rappelant Morricone, le jazz des années 50 et le tex-mex. Ainsi, après un album plus pop (Garden Ruin), le groupe revient à ses amours de la période The Black Light : instrumentation mariachi, guitare désertique et cuivres flamboyants. On constate d’ailleurs que le magnifique artwork de Victor Gastelum n’est pas sans rappeler le classique de 1998. On se sent à la maison dès les premières notes de Victor Jara's Hands : les arpèges lumineux, le roulement de caisse claire, la voix chuchotée de Burns, proche d'un Leonard Cohen. L'album oscille entre des ambiances à la fois sombres et éthérées (Writer's Minor Holiday), des ballades folk mélancoliques (The News about William, digne du meilleur SIMON & GARFUNKEL) et des plages plus « festives », teintées d'americana (Inspiracion). CALEXICO n'est jamais aussi bon que lorsqu'il parvient à mêler toutes ces atmosphères au sein d'un même titre, à l'image de Man Made Lake ou House of Valparaiso, chanté en compagnie de Sam Beam de IRON & WINE. Parmi les autres featurings, on remarquera le joli duo avec une certaine Pieta Brown sur Slowness ou encore la présence de Doug McCombs des expérimentaux TORTOISE (la crépusculaire Contention City).
Un aspect qu'il convient de mentionner est le fait que la formation ne traine jamais en longueur : le propos est concis et une fois le 2-3ème refrain passé, l'affaire est liquidée. Ainsi, la wah wah que l'on retrouve dans la dernière partie de Fractured Air (Tornado Watch) s'éteint peu après son apparition. D'ailleurs, le groupe propose quinze titres en à peine 45 minutes, la durée idéale pour parcourir la distance entre sa mesa et le bled d'à côté où l'on peut déguster les meilleurs tacos du Nouveau-Mexique (un peu d'imagination, que diable). Comme à leur habitude, Burns et Convertino nous livrent également leur lot d'instrumentales : l'anecdotique Sarabande in Pencil Form, la délicate Falling from Sleeves ou encore El Gatillo, semblant tout droit sortie de la BO de Desperado (pardon). Les chinoiseries de Two Silver Trees nous font hausser un sourcil – il fallait oser – mais le reste n'est pas à l'avenant, ce d'autant plus bizarrement que ce titre a été choisi comme single. On peut critiquer ce retour aux sources et arguer de l'inutilité d'un tel album dans un catalogue déjà bien rempli. Alors certes, Carried to Dust n'a peut-être pas l'impact d'un Feast of Wire ou l'aspect brut d'un Garden Ruin. Il n'empêche qu'il convainc de bout en bout et peut représenter un point d'entrée idéal dans la discographie de CALEXICO, tant il englobe la majeure partie des sonorités que Burns et Convertino se sont échinés à créer au fil des années. L'essentiel est là et le reste, j'imagine, peut retourner à l'état de poussière.
CALEXICO – Carried to Dust (Quarterstick Records, 2008)
Live au Paradiso (2008) - concert intégral avec de nombreux titres du dernier album