BUCKETHEAD : Kaleidoscalp (chronique, 2005)
Que penseriez-vous d’un guitariste surdoué qui se promène constamment avec un masque tout droit sorti du film Halloween et le seau à nuggets d’un fast-food américain en guise de couvre-chef ? Avouons qu’il y a de quoi être sceptique, d’autant plus que les enfants de l’oncle Sam ne sont pas à une débilité grand-guignolesque près. Et pourtant BUCKETHEAD (littéralement « tête de seau » et de son vrai nom Brian Carroll) a les armes pour s’imposer comme un musicien talentueux et iconoclaste. Actif depuis une dizaine d’année en solo, ce phénomène de la six-cordes a collaboré avec Les Claypool, le bassiste barré de PRIMUS (avec lequel il officie dans le projet Colonel Claypool’s Bucket of Bernie Brains), mais aussi le gourou expérimental John Zorn, Bootsy Collins et le producteur Bill Laswell. Récemment, il s’est fait remarquer en remplaçant au pied levé Slash, le guitariste des mythiques mais dépassés Guns n’ Roses, mais l'aventure fut de courte durée...
Evoluant dans un rock à la croisée des chemins entre John Zorn, Frank Zappa et le metal de SLAYER, le tout agrémenté de solos assourdissants dignes de Steve Vai, Buckethead a le mérite de ne pas choisir la simplicité ; ses compositions destructurées et supersoniques s’avèrent pour le moins déstabilisantes, mais l’amateur de rock puissant ne pourra que se délecter des trouvailles de l’homme sandwich du KFC. Giant Robot, Bermuda Triangle et Population Override sont autant d’albums qui ont permis à Buckethead de se faire connaître : certains n’y voient qu’un « bouffon » de plus certes doué techniquement, mais qui n’apporte rien de transcendant, tandis que d’autres le considèrent comme le guitariste ultime qui allie groove, vitesse et polyvalence.
En 2005 paraît sur le label Tzadik (merci Zorn) son dernier album en date, le faramineux Kaleidoscalp. Cinquante minutes de musique complexe et instrumentale, menée tambour battant par la guitare acérée de Buckethead, qui y ajoute une boîte à rythme (ben oui, quand il n’existe pas de batteur sur Terre pour le suivre, on fait comme on peut) et quelques effets électroniques de bon aloi. Dès la première piste, la palpitante Frankenseuss Laboratory, on comprend que le terme « démentiel » ne serait pas galvaudé pour décrire l’album : des riffs pachydermiques y cotoient des licks désarticulés, des solos qui atteignent la vitesse de la lumière et des accords dignes des RED HOT CHILI PEPPERS (de l’époque où ces derniers savaient encore jouer). Le titre suivant, Stun Pike and the Jack in the Box Head, sort du même moule, avec ses parties dignes de FANTOMAS et ses intermèdes cacophoniques déroutants. Buckethead, c’est un peu Luna Park… il y a le train fantôme, le grand huit, le marchand de barbe à papa, les cibles sur lesquelles il faut tirer pour gagner une peluche : c’est divertissant et parfois, si on se prend au jeu, une certaine appréhension se fait sentir. La différence notable avec un Parc de jeu conventionnel étant que le bonhomme nous fait tester toutes les attractions en même temps!
Sur The Bronze Bat, l’oncle Buck nous livre un riff de derrière les fagots dans la tradition d’un SLIPKNOT avant de nous asséner des bruitages semblants tout droit sortis du We’re only in it for the Money de Frank Zappa et enfin un solo remixé tout simplement hallucinant. Vous en voulez encore ? Jetez une oreille aux contrastes de The Last Ride of the Bozomobile ou la fusion de PRIMUS et de saveurs orientales sur Citadel. Vous voulez un petit solo pour la route ? Je ne saurais que vous conseiller The Android of Notre Dame qui en contient une poignée. Finissons avec la ballade She sells Sea Shells by the Slaughterhouse qui clôt les hostilités en douceur. Tout n’est pas parfait dans ce Kaleidoscalp et les auditeurs non-avertis s’empresseront de rejeter cela sans ménagement, mais les fans des groupes précités sauront reconnaître sans aucun doute dans les notes de Buckethead un nectar revigorant dont ils s’abreuveront jusqu’à plus soif.
BUCKETHEAD - Kaleidoscalp (Tzadik Records, 2005)
regardez un titre interprété en live par Buckethead, histoire de découvrir ses talents (sans en être effrayé)