V FOR VENDETTA (James McTeigue, 2005)
Alan Moore représente sans doute l’un des scénaristes de bande dessinées les plus influents de ces vingt dernières années. Que ce soit avec les WATCHMEN, FROM HELL ou V FOR VENDETTA, pour ne citer que ses œuvres les plus célèbres, il parvient immanquablement à créer une atmosphère sombre, teintée de propos politiques forts et ancrée dans un contexte historique marquant. Pas étonnant que les producteurs de cinéma se penchent sur son travail pour décrocher la timbale à Hollywood ; il faut cependant avouer que jusqu’à présent, les adaptations sur le grand écran des BD de Moore ont donné un résultat mitigé (From Hell avec Johnny Depp et Heather Graham), voire carrément catastrophique (La Ligue des Gentlemen extraordinaires avec Sean Connery).
Lorsque les frères Wachowski, adulés depuis leur trilogie MATRIX, et Joel Silver, producteur des ARMES FATALES, PREDATOR, MATRIX et autres blockbusters, se décident à adapter V FOR VENDETTA, ils savent que la tâche est ardue et que l’on peut facilement sombrer dans le populisme ou pire, un énième film de superhéros en cape. En effet, le personnage principal du film, appelé justement V et interprété par Hugo Weaving, antihéros révolutionnaire résolu à mettre la ville de Londres à feu et à sang pour la libérer de son joug totalitaire, et cela quatre cents ans après l'attaque du parlement de Guy Fawkes, peut être assimilé à un Superman ou un Batman si l’on ne prend pas garde. Heureusement, les producteurs ont été fidèles de bout en bout à la vision de Moore, faisant de V un être impalpable, constamment caché derrière son masque et représentant une idée plus qu’un individu. On pouvait craindre que le fait de sélectionner un réalisateur inconnu, James McTeigue - à son coup d’essai – ne fasse péricliter le projet. Et c’est là où une pointe de frustration s’empare du spectateur, qui se dit que dans des mains plus expertes, V FOR VENDETTA aurait été fabuleux.
On ne critiquera pas McTeigue pour avoir épuré la trame en éliminant certains personnages et scènes de la bande dessinée, Moore ayant parfois la fâcheuse habitude de se perdre dans des récits secondaires. La reproduction de Londres, tombée sous la main du fascisme, est très réussie puisqu’elle devait avoir un aspect semblable à aujourd’hui (l’histoire se passe en 2005) et non pas une allure pseudo-futuriste à la Brazil ou 1984. Par contre, l’aspect trop linéaire du récit, le peu d’audace dont fait preuve le réalisateur (si l’on excepte la scène du show télévisé singeant le chancelier) et certains clins d’œil maladroits tirés de notre actualité (grippe aviaire notamment) sont autant d’éléments qui nous laissent un sentiment d’inachevé, ce qui est d’autant plus rageant qu’encore une fois, nous nous trouvons face à une adaptation appropriée qui n’a certes pas la force de l’œuvre originale (censée critiquer indirectement les années Thatcher), mais qui contourne avec brio les écueils du film SF gratuit et boiteux tout en conservant les symboles forts de la BD (les roses, les pièces de domino…).
Quelques mots sur le cast : Natalie Portman est plutôt convaincante dans le rôle d’Evey, la jeune fille recueillie par V et qui l’aidera dans sa tâche. On sent de manière prononcée la progression du personnage au fil du récit. Stephen Rea, qui interprète le policier à la recherche du terroriste, joue également de manière adéquate le vieux limier éprouvé, tandis que Hugo Weaving (V), dont on ne savourera que la gestuelle et la voix, évite de jouer le bouffon verbeux recyclé en Daredevil. Et lorsque les notes du Street Fighting Man des ROLLING STONES résonnent à la fin du film, on se dit que McTeigue, les Wachowski Brothers et Silver ne se sont pas moqués de nous. Ils auraient pu nous resservir un pamphlet pro-Américain prônant l’hégémonie occidentale, ils auraient pu nous tracer un parallèle bancal avec les menaces terroristes du Moyen Orient. Rien de tout cela. V FOR VENDETTA est simplement un film sur la liberté. Une liberté qui n’a pas de frontières et pas de visage.
V FOR VENDETTA - Grande Bretagne/Allemagne - 2005
réalisé par James McTeigue
