BLACK SABBATH : Fairies wear Boots (Paranoid, 1971)
Malgré les événements récents (les reformations avec Ozzy Osbourne ou Ronnie James Dio, qui ne font plaisir qu'aux nostalgiques) et l'état mental désastreux d'Ozzy, personne ne peut contester l'influence majeure de BLACK SABBATH sur le heavy metal, un genre que la formation de Birmingham a littéralement façonné, lui donnant des codes précis et une crédibilité appréciable, plus tard foulée aux pieds par les hordes de métalleux peu soucieux de leur respectabilité. Le parallèle peut être osé, mais si la musique heavy était une religion (elle l'est pour certains), les albums du SABBATH en formeraient les saintes écritures et Iommi, Butler, Ward et Osbourne ses plus fervents prophètes.
Je crois que si j'ai choisi Fairies wear Boots, ce n'est pas uniquement parce que ce titre fait partie, disons, de mon Top 5 Black Sabbath, mais aussi parce qu'il possède une structure assez particulière. Je ne me souviens pas d'une autre chanson du quartette où l'on retrouve cet hybride entre un riff et un solo. Je veux bien entendu parler de la structure qui fait suite au lick introductif et apparaît après 13 secondes. A-t-on déjà entendu un riff aussi élaboré? C'est un solo, me direz-vous! Oui, ok, mais il revient après 3 minutes 35... A-t-on déjà vu un solo joué deux fois de façon identique sur un même titre? Bref. Il ne s'agit de toute façon pas de la seule « anomalie » présente sur Fairies wear Boots... Le groupe enchaîne sur un break qui laisse le temps à Bill Ward de tester la sonorité de ses toms (comme sur The Wizard ou Symptom of the Universe), puis Tony Iommi nous balance un solo et Ward re-teste ses tambours. Enfin le riff à quatre accords qui signifie l'entrée en scène d'Ozzy, dans un état de transe hallucinatoire. Voyez plutôt :
Goin' home late last Night
Suddenly I got a fright
Yeah I looked through the Window and surprised, what I saw?
Fairy Boots were dancing with a Dwarf
Pour les non-anglophones, sachez que le narrateur prétend avoir vu de bottes de fée dansant avec un gnome, alors qu'il rentrait chez lui, tard dans la nuit. Des bottes de fée, oui, car les fées portent des bottes, comme il nous l'explique plus tard, nous implorant de le croire. On notera que Ozzy Osbourne n'est pas William Blake ; il y a cependant une certaine recherche dans la sonorité des mots. D'ailleurs, les thématiques occultes et les pamphlets post-nucléaires d'Osbourne ne sont pas totalement dénués d'intérêt. Va, Ozzy, je ne te hais point.
Bien vite, Iommi met fin aux complaintes de son barde et exécute un solo quasi-parfait, le genre d'envolée où chaque note semble véritablement à sa place. Il faut dire que même si la célérité ne fait pas partie de ses atouts majeurs (on voudrait vous y voir, avec des phalanges en moins, cf. ici), Iommi détient une qualité rare : le sens de la synthèse et la capacité de nous tenir en haleine du début à la fin d'un solo, là où la plupart des guitaristes balancent la sauce les deux premières secondes puis se perdent dans un dédale de notes dont eux-mêmes n'ont aucune idée de la provenance. Répétition du fameux riff-lick-solo, de la descente de toms wardienne et Ozzy, après près de deux minutes de silence, entonne à nouveau son
Yeah Fairies wear Boots and you gotta believe me
Bon, t'es gentil, Ozzy, mais à l'époque, tu carburais à quoi, au fait? Le plus drôle, c'est qu'en fin de titre, le chanteur nous explique que, médusé par de telles visions, il consulte son médecin. Ce dernier, d'un ton paternaliste, l'exhorte à ne pas trop forcer sur la dope (Son, son, you've gone too far, 'cause smokin' and trippin' is all that you do). Et Iommi de conclure avec un mouvement à six notes qui s'estompe tranquillement...
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