We own the Night (James Gray, 2007)
Bobby Green est un homme comblé. Propriétaire de l'une des boîtes les plus en vogue de New York, il partage sa vie avec Amada, une belle portoricaine. On imagine que chaque jour, il doit fournir un certain effort pour oublier son ancienne vie, son ancienne identité : de son vrai nom Grusinsky, il n'est autre que le fils du chef de la police tandis que son frère Joseph semble suivre la même voie. Enfant, Bobby a sans doute dû lutter pour s'extirper de ce carcan protecteur et patriotique, ceci ayant fait de lui le vilain petit canard. Mais qu'importe, puisque désormais il fait la bringue alors que les flics sont considérés comme des rigolos par la mafia russe qui contrôle le marché des stupéfiants dans la grande pomme de la fin des années 80. Le hic, c'est que son whiskey coca a un arrière-goût déplaisant depuis qu'un dénommé Vadim Mezshinski – un Frank Zappa cosaque - sème la panique parmi les forces de l'ordre en voulant s'imposer présomptueusement comme le nouveau baron de la drogue. En effet, il ne tardera pas à s'en prendre à la famille de Bobby. Il s'agit désormais de choisir son camp : collaborer avec la police, quitte à faire s'écrouler l'édifice qu'il avait soigneusement construit, ou continuer à faire la sourde oreille.
Le scénario de James Gray, qui revient derrière la caméra après Little Odessa et The Yards, est assez classique. Comme de nombreux films policiers de ces dernières années, il se base sur les contradictions du personnage principal, incarné par Joaquin Phoenix (Gladiator, Signs et... The Yards), qui décide de porter un micro pour infiltrer le réseau de la pègre. Ainsi on suit avec patience la première moitié du film, où Gray décline de façon ostensible le contraste entre les soirées arrosées de Bobby, sur fond de musique eighties (Heart of Glass de BLONDIE, Let's Dance de Bowie) avec les bals modestes des policiers, qui bouffent des gratins dans des barquettes en alu. Soit. Mais c'est après une heure de film que la mécanique s'emballe enfin. Et dès lors, Gray ne lâchera plus prise, multipliant les scènes fortes avec un rendu très réaliste. On pense notamment à la poursuite en voiture ou la fusillade dans l'entrepôt, où la confusion et la peur règnent, au détriment des pectoraux et des grandes gueules. C'est dans ces moments qu'on se rend compte du talent du réalisateur qui n'a ni la flamboyance d'un Scorsese ni le sens des ambiances d'un De Palma, mais qui dirige le tout avec sobriété et nous propose cette tragédie familiale sans tenter de nous arracher des larmes à tout prix.
Comme à son habitude, Joaquin Phoenix nous livre une prestation tempérée, explicitant à merveille les contradictions qui le tiraillent. Eva Mendes, habituée aux rôles de pétasses (désolé) s'en sort avec les honneurs même si elle est à des lieues de la démonstration de Lorraine Bracco dans Les Affranchis, par exemple. Mark Wahlberg, après avoir joué les sales rappeurs (Marky Mark, c'était lui), s'est lancé dans le cinéma et bénéficie désormais d'une filmographie appréciable, les chefs d'oeuvres (Boogie Nights, Les Infiltrés) cotoyant les grosses daubes (Shooter, The Truth about Charlie). Dans We own the Night, il nous offre toujours son même faciès paralysé. Tant pis. On retrouve avec plaisir Robert Duvall dans un rôle auquel il nous a habitués ces dernières années, à savoir le vétéran au caractère déterminé. Méprisant son fiston Bobby qui n'est pas rentré dans le rang, il saura lui accorder du crédit lorsque celui-ci se trouvera en mauvaise posture. Ainsi, on se trouve face à un drame policier plus que correct, Gray montrant qu'il n'est pas un novice en matière de réalisation, même s'il plombe le tout avec certaines idées maladroites ou mal exploitées.
WE OWN THE NIGHT
USA – 2007
réalisé par James Gray
avec Joaquin Phoenix, Mark Wahlberg, Robert Duvall, Eva Mendes
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