Cormac McCarthy : De si jolis chevaux (éd. Points)
Le jeune John Grady Cole décide de quitter son Texas natal après que son grand-père décède et que l'on vend son ranch. L'optique de devoir trouver du travail en ville ne l'enchantant que modérément, il prend le parti de quitter cette Amérique d'après-guerre et accompagné de son ami Lacey Rawlins, ils partent à l'aventure, direction le Mexique, à dos de cheval, évidemment. Les plaines désertiques leur permettent de communier avec la nature, mais aussi de faire la connaissance d'un certain Blevins, un garçon turbulent qui leur causera bien des ennuis. Cependant, les deux compères trouveront un emploi en tant que cowboys dans une hacienda et John Grady s'éprendra même de la fille du patron. Les récits de Cormac McCarthy ne sont pas ce que l'on pourrait qualifier de « tortueux ». Au contraire, la trame est belle, solide, mais simple. A vrai dire, ce n'est pas tellement l'élément qui marque le plus le lecteur. Non. Les descriptions infinies des paysages, les personnages taciturnes et entiers, voilà ce qui nous touche au premier abord.
Originaire de Rhode Island, le plus petit état américain, perdu là-bas au nord-est, McCarthy a grandi dans le Tennessee et pas mal bourlingué avant de se consacrer à l'écriture. Membre de l'US Air Force (il a même passé deux ans en Alaska), il a ensuite voyagé en Europe avant de retrouver le Sud et de s'installer à Santa Fe, dans le Nouveau Mexique. Littéralement amoureux de cette région, il ne cessera de la dépeindre dans ses romans. De si jolis chevaux, qui représente le premier tome de la Trilogie des Confins (avec De grands Passages et Des Villes dans la Plaine), fait partie de ses écrits les plus fameux, récipiendaire du National Book Award. On y découvre ce style passablement dépouillé, McCarthy ne s'embarrassant pas de la ponctuation habituelle. En effet, il n'y a que des points et bien souvent, l'auteur se contente de relier les différentes idées d'une phrase par de simples « et ». Là où n'importe quel scribouillard passerait pour un autiste, cette méthode permet chez McCarthy d'obtenir une gradation, une sensation d'unité spectaculaire. Cette impression que tout est relié, que dans un souffle, les hommes, les chevaux et la nature ne font plus qu'un. Dire que ces pages sont emplies de poésie relève de l'euphémisme et ce n'est certainement pas pour rien que McCarthy est considéré aujourd'hui comme l'un des auteurs majeurs de ces quarante dernières années, ses romans étant désormais systématiquement adapté à l'écran (cf l'oscarisé No Country for old Man des frères Coen).
On est frappé par la concision avec laquelle il parvient à transmettre l'essentiel : un regard, quelques mots balbutiés par ces cowboys qui roulent leur clope ou préparent le fourrage pour leur monture, et nous y sommes.
La plaine d'inondation qu'il traversait était enclose de chaque côté dans des murs de roche volcanique éboulée et au crépuscule les petits renards du désert étaient venus s'asseoir à leur pied silencieux et royaux comme des icônes pour voir la nuit venir et les colombes jetèrent leur cri du haut des acacias puis la nuit tomba sombre comme l'Egypte et il y eut seulement l'immobilité et le silence et le bruit des chevaux qui respiraient et le bruit de leurs sabots qui battaient dans l'obscurité.
Rien à ajouter. Ah si! Une adaptation cinématographique a vu le jour en 2000, réalisée par Billy Bob Thornton, avec Matt Damon et Penelope Cruz. Ou comment transformer un superbe roman en un film aussi plat que les plaines décrites par McCarthy. Le fait que les producteurs aient imposé une durée maximale de 3h a peut-être pesé dans la balance. Je vous conseille plutôt les 300 pages, en tout cas!
Cormac McCarthy – De si jolis chevaux (All the Pretty Horses)
disponible en français aux Editions Points