Mike Mignola : HELLBOY (dossier)

Publié le par Systool

Décembre 1944. Grigori Raspoutine, le terrible moine russe a refait surface et, allié aux troupes nazies, fait naître un démon qui permettra d'infléchir l'issue de la seconde guerre mondiale en faveur des puissances de l'Axe. Malheureusement pour eux, Hellboy surgit à East Bromwich (un lieu fictif en Angleterre), à des kilomètres d'où se situe leur sauterie occulte, et sera recueilli par un certain Trevor « Broom » Bruttenholm qui l'élèvera comme son fils au sein du Bureau de Recherche et de Défense sur le Paranormal, aux Etats-Unis. Je vous vois venir : BD de super-héros en collants, manichéisme à deux sous, intrigues bidon... En fait, Hellboy n'a pas de collants. Il est grand, rouge, possède une queue comme tout diablotin qui se respecte, un bras droit en pierre et des ébauches de cornes poussant dans certaines situations. Sa provenance-même apporte un certain flou quant aux délimitations du bien et du mal, car même s'il est plutôt sympa (mais souvent de mauvaise humeur), il n'en demeure pas moins un démon qui pourrait pour ainsi dire changer de camp à tout moment et dont on peine à concevoir la puissance colossale. Mike Mignola, créateur de la série, s'inspire fortement des cadors de la littérature d'horreur, comme HP « Hewlett Packard » Lovecraft, et introduit dans ses récits des auteurs gothisants tels que Blake ou Poe. Les enquêtes de HELLBOY sont également un prétexte pour sonder certains épisodes noirs de l'Histoire (les expérimentations nazies, en premier lieu), l'occultisme et la mythologie slave, sans parler des Ogdru Jahad, sept entités lovecraftiennes analogues aux chevaliers de l'Apocalypse. Enfin, des créatures légendaires (loup-garous, vampires et lutins...) parsèment les aventures du détective et de ses collègues.

 


 

Le style si particulier de Mike Mignola lui a valu une reconnaissance fulgurante dès la sortie du premier tome de HELLBOY, Les Germes de la Destruction (Seeds of Destruction) en 1994. Son utilisation du contraste, le traitement des ombres et la finition parfois grossière des personnages le placent assez loin de l'archétype des grandes maisons d'édition américaines (DC Comics, Marvel). D'ailleurs, HELLBOY représente une exception dans la mesure où il s'agit d'une série à succès publiée chez Dark Horse et non pas chez une « major » de la bande-dessinée US. L'accueil très favorable permettra en outre à l'auteur de présenter plus en détails les collaborateurs du Bureau de Recherche Paranormale dans un spin-off qui leur est dédié : B.P.R.D. (l'acronyme anglais du fameux centre d'investigations). Ainsi, hormis le bourru Hellboy, on fera connaissance avec Abe Sapien, un cocktail amphibien à la sauce humanoïde, Liz Sherman, une jeune femme dotée du pouvoir de pyrokinésie (elle prend feu dans certaines situations... pas toujours pratique!) ou encore Roger l'homoncule – pas de mauvais jeux de mots – qui apparaîtra en cours de route. Parus aux excellentes éditions DELCOURT pour ce qui est de la version française, les différents volumes de HELLBOY peuvent être séparés en deux catégories : une seule histoire d'une centaine de pages, comme Au Nom du Diable, ou un recueil de brefs récits, comme ceci est le cas pour Le Cercueil enchaîné. Fatalement disparate, la deuxième option présente l'avantage de creuser plus avant une thématique particulière que l'on aurait aperçu dans les aventures plus longues et de dissiper certaines zones d'ombre dans le parcours du héros, tableau poussiéreux dont on révélerait la nature au moyen de brusques coups de chiffon.

 


 

Plébiscité par le milieu des comics, HELLBOY devait évidemment bénéficier tôt ou tard d'une adaptation sur grand écran et le choix de Guillermo Del Toro à la réalisation coulait de source, en raison de l'admiration du cinéaste mexicain pour le travail de Mignola et de sa propension à manier l'image comme on peut le remarquer dans Cronos ou Le Labyrinthe de Pan. Visuellement, le résultat est nettement supérieur à la plupart des films de superhéros et Del Toro a intégré certains éléments qui lui sont chers, tels que la pierre aux sillons circulaires. Du point de vue de la trame, on assiste à quelques modifications par rapport au premier tome de la BD dont le film est inspiré, ainsi qu'à l'ajout d'éléments rendant l'histoire plus « attractive » (la relation entre Hellboy et Liz, le rôle de Broom, la création de l'agent Myers). Ron Perlman, acteur au physique monstrueux qu'on a croisé dans Le Nom de la Rose et plusieurs films de Jeunet, se révèle cependant un choix plus que judicieux pour interpréter le démon rouge. Une deuxième mouture, Hellboy : The Golden Army, paraîtra en juillet 2008 et se concentrera davantage sur la destinée d'êtres magiques menacés par l'homme.

 

 

A l'image d'Alan Moore ou Frank Miller, Michael Mignola fait partie du cercle fermé des auteurs modernes de comics révérés par la critique et adulés par leurs fans, hissant la bande dessinée à un niveau supérieur de profondeur scénaristique et de fluidité artistique. Malgré le caractère chargé et parfois melting pot de sa symbolique, HELLBOY demeure un condensé fascinant de virtuosité que je vous invite chaleureusement à découvrir si cela n'est pas déjà fait.

 

 

Hellboy : tomes parus en VF (Editions Delcourt)


1 : Les Germes de la Destruction

La genèse de Hellboy à East Bromwich et la malédiction de la famille Cavendish, dont les différentes générations ont péri lors d'expéditions au pôle Nord. Ah oui! Et des grenouilles pas gentilles...

4,25 / 5


2 : Au Nom du Diable

Une mission dans un vieux château en Roumanie, où pullulent vampires, extrémistes et une tête dans un bocal... Hellboy fait la connaissance de la déesse Hécate.

4,5 / 5


3 : Le Cercueil enchainé (et autres histoires)

Lutins, loups, colosses et Baba Yaga... Hellboy piétine au propre et au figuré les mythes païens chers à Mignola... Il retourne à East Bromwich et recueille quelques détails supplémentaires sur sa naissance, qui lui parviennent dans un songe.

4,5 / 5




4 : La Main droite de la Mort (et autres histoires)

On en apprend davantage sur le fameux avant-bras en pierre de Hellboy, véritable vecteur de l'Apocalypse... On fera également la rencontre du dragon qui fut combattu par St Léonard et de curieuses têtes flottantes à Kyoto!

4 / 5


5 : Le Diable dans la Boîte

Boîte de Pandore? Plutôt une boîte à diablotin, dont l'esprit délivré tentera de convaincre Hellboy des potentialités qui s'offrent à lui. Une référence à La Chute de la Maison Usher de Poe. Dans la version américaine, cette histoire forme le tome 4 avec The Right Hand of Doom.

4,5 / 5


6 : Le Ver conquérant

Inspiré de la superbe nouvelle Ligéia d'Edgar Poe, Mignola personnifie la mort au moyen d'un ver géant qui mettra la terre à feu et à sang, à moins que les membres du BPRD ne fassent en sorte d'éviter l'atterrissage d'une fusée envoyée en orbite par les Nazis il y a 50 ans... Ce sera l'occasion de serrer la pince à Johnson le Homard!

5 / 5


7 : Le Troisième Souhait

Voyage aux confins du mystique, Hellboy faisant la rencontre de trois sirènes dans les profondeurs de l'océan. Mignola accentue son trait expressioniste. Dans l'autre partie du recueil (The Island), le démon échoue sur une île où il rencontrera des marins et une réincarnation de Moby Dick... L'auteur nous offre une introduction qu'il a finalement ôté et qui se trouve au stade de crayonnage

4,5 / 5


8 : Trolls et Sorcières (et autres histoires)

Une nouvelle collection de courts récits, où le quasi-anecdotique (Le Vampire de Prague) cotoie certaines parmi les plus belles histoires d'HELLBOY (Makoma en collaboration avec Richard Corben). Mignola intègre des éléments de la mythologie grecque ainsi que les sempiternelles inclinations ésotériques

4,25 / 5


9 : L'Appel des Ténèbres

Rupture stylistique puisque Mike Mignola enrôle Duncan Fegredo à l'illustration. On poursuit la trame principale : Hellboy, seul contre tous, refuse d'accéder au rang de prince des ténèbres. Il va subir la colère de Baba Yaga qui lui envoie Kosh-Chei, le guerrier sans âme.

 

4,5 / 5

 

10 : La Grande Battue

 Quand des géants veulent prendre l'air et qu'ils s'y mettent en groupe, on appelle Hellboy à la rescousse. Nouvelle livraison du duo Mignola/Fegredo, La Grande Battue poursuit la lutte interne du démon pour s'extirper de sa destinée diabolique.

 

4,5 / 5



NB : il s'agit de l'ordre « officiel » des aventures d'Hellboy en VF. On trouve parfois un ordre différent se référant à la parution chronologique chez Delcourt (p.ex. Les Germes de la Destruction = tome 4 (sic)), ce qui peut prêter à confusion...


Hors-Série :

La Bible infernale : art-book

Histoires bizarres (2 volumes) : exercice de style pour une douzaine d'auteurs de milieu et d'origine très divers qui reprennent les personnages de Hellboy à leur manière. Le résultat est assez délirant, mais plutôt inégal

Tome 1 : 3,5 / 5

Tome 2 : 3 / 5

 

Publié dans BD - Manga

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Commenter cet article
S
<br /> <br /> La narration est assez linéaire, en fait! Et la trame avance relativement lentement dans les derniers tomes, par ailleurs!<br /> <br /> <br /> <br />
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I
<br /> <br /> Héhé eh bien j'adore le style graphique donc, et la narration éclatée dans l'ensemble devrait être intéressante...<br /> <br /> <br /> <br />
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S
D : Je suis confus, D! Je crois que je vais fermer ce blog, c'en est trop! :-)
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D
Hello Systool :-)Bon ben... si tu te mets à me donner envie de lire des BD aussi maintenant... alors... vraiment... vraiment... je ne vois pas quand je vais dormir !...Franchement, tu abuses ;-)
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S
Yo Zordar! C'est cool de te revoir par ici! ;-)
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