GOOD NIGHT, AND GOOD LUCK : Accusation is no Proof (George Clooney, 2005)
1958 : le journaliste Edward Murrow (David Strathairn) fait ses adieux à la chaîne de télévision CBS après plus de vingt ans de bons et loyaux services. Il en profite pour tancer quelque peu, comme à son habitude, le peuple américain et les têtes pensantes en se demandant si la boîte noire a encore une raison d’être et si les journalistes qui peuvent utiliser ce medium en profiteront encore pour dénoncer les injustices politiques qui sévissent dans le monde, sans quoi la petite lucarne deviendra un simple instrument de divertissement et d’aliénation.

Voilà comment George Clooney, à sa deuxième réalisation après l’excellent CONFESSIONS D’UN HOMME DANGEREUX, annonce le propos. GOOD NIGHT, AND GOOD LUCK sera un film engagé, tout comme cette année de cinéma semble se profiler. Oui, car faire des films indépendants et engagés semble être à la mode, et les grandes maisons de production, d’habitude frileuses à l’idée de dénoncer les pratiques douteuses des politiciens - qui plus est américains – savent que ce marché peut se révéler très fructueux. Ainsi la fameuse Warner Bros. crée une filiale axée sur ce genre de réalisations : Warner Independent Films, qui produit donc ce GOOD NIGHT, AND GOOD LUCK de l’ami Clooney, lui-même impliqué économiquement via sa boîte de prod Section Eight. Il est bien loin, le temps où le séducteur campait le Dr. Ross… Prenant le parti de créer un film politique, il nous immerge dans cette ambiance teintée de jazz et de fumée de cigarette qui caractérise les studios de la CBS durant les années 1950.
Après cette cérémonie en introduction, Clooney nous gratifie d’un long flash-back où l’on retrouve les journalistes Murrow et Fred Friendly (G. Clooney), désireux de dénoncer les agissements du sénateur du Wisconsin, Joseph Mc Carthy, qui pratique une véritable chasse aux sorcières en traquant tout Américain sympathisant de l’ennemi éternel que représente le Communisme. Mais comment raconter la vérité au peuple étasunien sans risquer soi-même de figurer sur la liste des gêneurs ? C’est ce que Murrow, Friendly et les autres (parmi lesquels on retrouve les acteurs Robert Downey Junior et Jeff Daniels) vont tenter de faire au sein de cette télévision qui avait encore une âme. Critique indirecte de la politique américaine actuelle et du rôle des médias, GOOD NIGHT, AND GOOD LUCK ne bénéficie pas de scènes d’action haletantes et d’une histoire d’amour torride. Clooney nous fait vivre 90 minutes de discussions, de plans serrés sur ces visages décidés et tendus par l’importance de leur cause, le tout en noir et blanc et accompagnés de la voix jazz de Dianne Reeves. Le jeu d’acteur au poil permet au spectateur de conserver une attention soutenue, ce qui n’est pas une mince affaire puisque la quasi-totalité du film se déroule dans les couloirs de la CBS, la caméra poursuivant inlassablement ces propagateurs de l’information menés par cette volonté opiniâtre de raconter la vérité coûte que coûte. Une mention spéciale à David Strathairn et son air de Houellebecq (désolé) qui porte le film avec vigueur et classe dans le rôle principal.
Des regards résolus, une thématique forte et sérieuse malgré quelques petites pointes d’humour acerbe, GOOD NIGHT, AND GOOD LUCK ne s’adresse pas forcément à tous, mais inutile de dire que Clooney frappe un grand coup avec cette réalisation sobre et stylée qui contraste avec la majorité des films sortis à cette période... Bonne journée, et bonne chance !
GOOD NIGHT, AND GOOD LUCK (2005 – Warner Independent Films)
De George Clooney
Avec David Strathairn, George Clooney, Robert Downey Jr.
Le site officiel de Good Night, and good Luck (français) : une manière de se faire une idée sur ce film... ici