BLACK MOUNTAIN : In the Future (chronique, 2008)
Nommer son album In the Future semble relever de la plus outrecuidante ironie lorsqu'on s'appelle BLACK MOUNTAIN. Le collectif de Vancouver, mené d'une main de maître par Stephen McBean, exhibe des riffs monolithiques qui s'intègreraient parfaitement dans la discographie de BLACK SABBATH et des instrumentations dignes de RUSH ou PINK FLOYD. En somme, ces gaillards sont nés trente ans trop tard. Qu'importe, puisqu'il existe toujours des auditeurs désireux de s'immerger dans les contrées progressives et psychédéliques du rock d'antan. On notera qu'à l'exception d'un titre, la montagne noire se garde bien de nous proposer des pistes labyrinthiques et synonymes de migraine. C'est toujours ça de pris.
- Quoi? C'est le cinquième aujourd'hui et il est pas encore midi...
Stormy High introduit le propos d'une bien belle manière, avec force riffs métalliques, le chant habité de McBean (épaulé par Amber Webber, plutôt en retrait sur In the Future) et des claviers virevoltants. Une tranche savoureuse de caribou stoner rock, en somme. Si on voulait être méchant, on pourrait ajouter que c'est le genre de titres que QUEENS OF THE STONE AGE ne sait plus composer. BLACK MOUNTAIN ne se repose pas sur ses acquis et enchaîne avec l'excellente Angels, qui décline une mélodie à mi-chemin entre BLUR et le VELVET, suivie par un bref intermède chargé du point de vue instrumental, sans pour autant être pompeux. On croirait que Tony Iommi a rejoint le groupe à l'écoute du riff qui introduit Tyrants, mais les Canadiens ont la brillante idée d'enchaîner sur une partie délicate et brumeuse, comprenant un mellotron et une flute que JETHRO TULL n'aurait pas renié. La tension monte progressivement et on tombe nez à nez avec un flot de guitares acides à souhait. Wucan, quant à lui, permet d'apprécier le mariage vocal de McBean et Webber, ainsi que l'intermède et son clavier spatial. Stay Free, présente sur la bande originale de Spiderman 3, ne brille pas par sa qualité, mais se place comme un break acoustique tout à fait acceptable. Par contre, la bluesy Queens will play met en évidence le chant empreint de pathos de Amber Webber, dont le timbre de voix rappelle JEFFERSON AIRPLANES.
La seconde partie de l'album contient des titres relativement brefs, comme Evil Ways, véritable pot pourri des années 70 (tambours diaboliques, claviers groovy et guitares planantes), ou Wild Wind, une courte ballade à la Bowie. Bright Lights se place comme un trip - de 17 minutes - qui navigue sur des claviers floydiens (on pense à Shine on...) et des choeurs hallucinés, avant la venue d'un riff mastoc qui balaie nos pensées les plus éthérées. Aux alentours de 10 minutes, on est happé par des voix fantomatiques et une note de clavier qui vibre dans nos oreilles anesthésiées, mais l'orage n'est jamais très loin, puisque la basse s'extirpe lentement mais sûrement de ce nuage sonore. La conclusion a des allures d'apocalypse, dont les cavaliers sont représentés par une six-cordes rugissante et le chant torturé du duo. Enfin, Amber Webber nous dit adieu avec Night Walks, un titre intimiste et défiant la gravité. On notera d'ailleurs qu'il existe une version « double » qui comprend trois titres supplémentaires, dont Thirteen Walls et sa guitare hypnotique et Black Cat, à la rythmique furieuse.
Comparer un groupe à d'anciennes gloires est une façon de rendre son propos plus explicite, mais aussi plus réducteur. Dans le cas de BLACK MOUNTAIN, l'évocation de certaines références semble si évidente que l'on ne peut s'empêcher de le faire systématiquement. Voilà, en quelque sorte, le constat qui ressort à l'écoute de In the Future : McBean et ses potes n'inventent absolument rien, mais éprouvent ce besoin irrépressible de malaxer ces vieilles recettes du rock des années 60-70, le tout sans complexe. On peut considérer la démarche irritante, mais le plaisir d'écouter une telle musique prime et c'est finalement l'essentiel.
BLACK MOUNTAIN – In the Future (Jagjaguwar / 2008)
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Stormy High et Tyrants sur le myspace du groupe