Mr. BUNGLE : California (chronique, 1999)
La vision kaléidoscopique de Mr. BUNGLE en fait l'un des paradigmes des 90s en terme de musique versatile et inventive, ce d'autant plus que ces secoués du bocal ont été signés par Warner grâce aux métalliques et successful FAITH NO MORE de Mike Patton. Un premier album très axé funk rock, suivi par une mixture improbable de rock-jazz-techno-metal-manouche avec le virevoltant Disco Volante et enfin, un troisième (et malheureusement dernier) LP en 1999, California, évoluant sur un terrain similaire. On retiendra cependant la tendance plus oldies et décontractée de cet album, du moins en apparence, à l'image du surf rock de l'introductive Sweet Charity, aux guitares hawaïennes, cocotiers, cocktail et piscine.
Save me
The Asylums have opened
I'm coming Home
(Mr. BUNGLE, Sweet Charity)
D'ailleurs California a été enregistré en analogique, histoire de conserver une certaine patine, ceci en dépit des multiples couches sonores qui façonnent ses différents titres. Ce disque, malgré la foultitude des genres abordés, est certainement le travail le plus accessible de la formation d'Eureka, dans la mesure où chaque chanson possède une ambiance propre sans (trop) s'éparpiller dans toutes les directions comme cela était le cas avec Disco Volante. Mais ne vous y méprenez pas, California risque fort de trôner dans votre liste des albums les plus déjantés. Après les choeurs féminins de Sweet Charity, le Bungle nous propulse dans le tube à néon de None of them knew they were Robots, curieux amalgame de rockabilly et de sonorités sci-fi, sans oublier les claviers débridés et les voix fantomatiques qui nous évoquent leur précédent opus, avec une touche tragi-comique à la Beetlejuice. Place au calme (apparent) avec la mélodie délicate de Retrovertigo et le chant bipolaire de Mike Patton, avant un xylophone inquiétant qui introduira une partie plus pêchue. Trey Spruance et la section rythmique nous retournent comme une crèpe avec l'énergique The Air-conditioned Nightmare, un cauchemar à décrire (c'est le cas de le dire), fait de choeurs BEACH BOYSiens, guitares urticariantes et le chant emballé de Patton qui fusionne gospel et rhythm 'n' blues.
Les ambiances cinématiques font partie intégrante de l'univers bunglien, comme on peut le constater sur le jazz balkanique enfiévré et les riffs en acier trempé de Ars Moriendi ou encore le swing pianotant de Pink Cigarette où Patton joue les crooners. Golem II : The Bionic Vapour Boy, essentiellement instrumentale puisque les paroles sont noyées dans un fatras robotique, navigue dans un funk élaboré à la Hancock sur fond de comptine clownesque accompagnant l'inquiétant marchand de glace américain venu dévorer les petits nenfants. L'album se conclut avec The Holy Filament, aux teintes symphoniques, le voluptueux doo wop de Vanity Fair et la grouillante Goodbye Sober Day, résumé des influences diverses de California, entre easy listening, muezzin des bas-fonds et hurlements scandés hystériques. Un panorama vertigineux passé à la vitesse grand V devant nos yeux pris d'un nystagmus irrépressible et voyant défiler des machines, des Miss au sourire Colgate et couronne en carton, amants éplorés et psychopathes en cavale. Lorsque l'album se termine, après 45 minutes ébouriffantes, un regret nous taraude : cette alchimie entre cinq musiciens hors pair n'est plus. Mais que ce soit Patton avec ses projets divers (FANTOMAS, TOMAHAWK et j'en passe), Danny Heifetz et Trey Spruance (SECRET CHIEFS 3), Trevor Dunn ou Bär McKinnon, chacun a continué de consacrer son temps et son énergie à l'élaboration d'une musique à la richesse inépuisable et, cela va sans dire, qui ne doit rien à l'industrie du disque tentaculaire et ses schémas si restrictifs.
Mr. BUNGLE – California (Warner Bros Records, 1999)
la chronique de l'album Disco Volante
sommaire Mike Patton (tous ses albums chroniqués sur Le Gueusif)