TOOL : Lateralus (chronique, 2001)
Vous est-il déjà arrivé de vous exclamer : « On va pas attendre des lustres ! » ? Et bien, pour ce qui est de la sortie des albums de TOOL, il s’avère nécessaire d’attendre à chaque fois UN lustre… Le deuxième album, Aenima, est leur plus grand chef-d’œuvre et il est paru en 1996. Cinq ans plus tard, donc, la suite : l’excellent Lateralus, dont nous allons traiter aujourd’hui. Le suivant ? Il est prévu pour… voyons voir… 2001 + 5 = 2006… oui, c’est cela, 2006 !!! Autant dire que le fan de TOOL est par définition « patient ». Mais j’ai presque envie de dire que malgré la frustration d’une si longue attente, on est comblé à chaque occasion et on se dit que cela valait la peine…
Reprenant les éléments qui font de TOOL un groupe si caractéristique, pour ne pas dire unique, Maynard James Keenan (chant) et sa bande ouvrent Lateralus avec une pièce sophistiquée de huit minutes, la galactique The Grudge. On retrouve les time signatures peu ordinaires (5/8, 7/8, que sais-je encore…), les différentes parties s’entrecroisant selon la volonté des musiciens et le chant volubile de Keenan qui prend des intonations étonnamment mécaniques et graves sur ce premier titre. Admettons que le groupe met la barre très haut dès le début et que The Patient, le morceau suivant (si l’on excepte la brève instrumentale Eon Blue Apocalypse), est légèrement moins efficace. Après un autre intermède très succinct (Mantra), on passe à la piste 05, la superbe Schism, qui s’apparente à la classique Forty-Six & 2 (présente sur Aenima) dans sa construction : un riff basé sur la basse tournoyante de Justin Chancellor qui évolue durant tout le titre et des textes plutôt philosophiques de Keenan (« finding Beauty in the Dissonance… Cold Silence has a Tendency to atrophy any Sense of Compassion »).
Le morceau suivant se présente sous la forme d'un opus en deux parties, Parabol et Parabola, la première étant une introduction délicate de la seconde. Un gros riff bien toolien, les textes métaphysiques du chanteur au crâne rasé dont on connaît l’intérêt pour la littérature ésotérique et scientifique, et ce passage continuel entre des plages apaisées et furieuses. Keenan règle ses comptes avec les critiques sur le nerveux Ticks & Leeches, leur clamant « I hope this is what you wanted. Hope this is what you had in Mind, ‘cause this is what you’re getting! ». Pour les non-anglophones, il s’écrie, en substance, « si c’est ce que vous vouliez, tant mieux, sinon tant pis ». On remarquera par ailleurs le travail phénoménal de Danny Carey, qui glane sans doute la place de meilleur batteur du circuit, mais aussi les riffs de derrière les fagôts d’Adam Jones, semblant tout droit sortis du premier EP de 1992…
Qui a dit que TOOL ne savait pas plaisanter?
TOOL en remet une couche avec le morceau-titre, Lateralus, qui se révèle une pièce somptueuse de 9 minutes, alliant une maturité créative et une solennité qui laissent pantois, des premiers arpèges de Jones dans l’intro au final purement apocalyptique avec sa ligne de basse lancinante et Keenan qui nous emmène dans l’œil du cyclone en hurlant « Spiral out, keep going ». L’album se termine avec un triptyque intéressant : la délicate et harmonieuse Disposition, à laquelle fait écho Reflection, longue plage psychédélique et émotionnelle, puis enfin Triad, une intrumentale cyber-punk assez surprenante… dans la mesure où TOOL nous aurait déjà livré des chansons conventionnelles !
N’oublions pas le morceau "caché", Faaip de Ooyad, qui se caractérise par un message troublant et troublé d’un individu qui délire sur des secrets d’Etat au sujet d’extraterrestres. On se demande toujours où TOOL va chercher tout cela… Lateralus se place dans la brèche ouverte cinq ans plus tôt par le fabuleux Aenima : une musique dense et complexe, issue du brassage génétique de LED ZEPPELIN, BLACK SABBATH et du rock progressif, le tout avec un traitement très actuel, cela va sans dire. D’ailleurs, on notera certaines différences avec leur album précédent telles que les effets électroniques présents de manière discrète sur plusieurs titres ou cette ambiance plus sombre et introspective.
Un album qui ravira les adorateurs du groupe et qui plongera ses détracteurs dans une torpeur plus profonde encore.
TOOL : Lateralus (2001, Volcano Recordings)
A LIRE EGALEMENT…
- La bio du groupe (ici)
- une chronique de Aenima (là)