My Blueberry Nights (Wong Kar-Wai, 2006)
Pressenti comme le lauréat du dernier festival de Cannes, Wong Kar-Wai était finalement reparti les mains vides, mais on avait néanmoins salué la beauté visuelle de My Blueberry Nights, son premier film avec des acteurs occidentaux. Jugez plutôt : Jude Law (toujours aussi beau), Natalie Portman (semblant toujours aussi jeune), David Strathairn (au jeu toujours aussi juste), Rachel Weisz (toujours l'une des plus belles actrices qui soient) et Norah Jones, la chanteuse de jazz et fille de Ravi Shankhar, qui débute derrière la caméra après avoir ravi nos oreilles avec Come away with me ou le récent Not too late. Wong Kar-Wai explique que c'est son souhait de tourner avec la jeune femme qui est à l'origine du film, un prolongement d'un court métrage qu'il conservait dans ses tiroirs depuis quelques années.
Elizabeth (N. Jones) sort d'une relation difficile et trouve refuge dans un café new-yorkais tenu par un gérant mancunien, Jeremy (J. Law). Celui-ci lui propose une part de tarte pour la consoler et une chose en amenant une autre, ils discutent d'un curieux bocal contenant les clés de clients les ayant oublié ou confié à Jeremy sans être venus les récupérer. La soirée s'achève tranquillement et bien vite, Liz décide de quitter la Grande Pomme (et son gardien des clés) et de prendre la route pour faire le point sur sa vie. Débarquée à Memphis, elle trouvera un job de serveuse et fera la rencontre d'Arnie (D. Strathairn), un policier alcoolique et amant éploré qui a élu domicile au comptoir du coin.
Ce qui marque d'emblée, c'est le traitement de l'image : de la part du réalisateur de 2046 et In the Mood for Love, on n'en attendait pas moins. Les personnages, notamment Elisabeth et Jeremy, sont souvent filmés à travers la vitrine du bar, comme si le cameraman était caché et prenait un certain recul, souhaitant ne pas troubler leur intimité. On notera aussi les lumières particulièrement vives du métro (ou de la ville en général) qui viennent s'interposer entre deux scènes. Après les minutes d'introduction à New York, Wong Kar-Wai nous emmène au Tennessee, où s'impose l'atmosphère crépusculaire du bar, puis dans l'ensoleillé Nevada, où Elisabeth fera la rencontre d'une joueuse de poker invétérée (pléonasme).
La trame de My Blueberry Nights est nettement plus linéaire que celle du lynchien 2046, oscillant constamment entre rêve et réalité. Dans le cas présent, il s'agit plutôt d'une sorte de récit initiatique, un road-movie qui conduira Liz d'un bout à l'autre des Etats-Unis. Comme il est dit vers la fin du film, les autres sont parfois comme un miroir qui reflète notre propre personne et tout au long du récit, on constate cette assertion puisque les figures se placent fréquemment en symétrie : Liz trouve un boulot de serveuse après avoir rencontré Jeremy, patron de café ; Arnie se met à écrire à son ex-femme (R. Weisz) sur les conseils de Liz, qui correspond elle-même avec Jeremy...
Cette fable romantique est par ailleurs magnifiquement accompagnée par la bande-son de Ry Cooder, idéale pour les grands espaces désertiques mais qui bénéficie également de la contribution de Cat Power et Norah Jones pour les scènes plus urbaines et mélancoliques. Alors, peut-être qu'effectivement, My Blueberry Nights ne méritait pas la Palme d'Or, car on peut avoir l'impression qu'il manque quelque chose, que tout est trop simple. Il n'en demeure pas moins un très beau film qui confirme que Wong Kar-Wai est l'un des maîtres du 7ème Art de ce nouveau siècle.
MY BLUEBERRY NIGHTS
Hong-Kong, France - 2006
réalisé par Wong Kar-Wai
avec Norah Jones, Jude Law, David Strathairn,
Rachel Weisz et Natalie Portman
La bande-annonce de My Blueberry Nights