EPHEL DUATH : Pain necessary to know (chronique)
Le metal extrême compte des représentants principalement américains, mais il arrive que certains groupes valides émergent fort heureusement d’autres contrées. Ainsi EPHEL DUATH, un combo de jazz metal allumé en provenance d’Italie.
Formé initialement d’un duo de musiciens (Davide Tiso et Giuliano Mogicato), au background solide et varié, EPHEL DUATH – tiré du nom de la chaine de montagne protégeant le Royaume du Mal dans les récits de Tolkien – produit une demo de 6 titres en 1998, Opera, qui sera suivie deux années plus tard par Phormula, leur premier album attirant 20 000 internautes aux compulsions downloadiennes! L’album ressortira en 2002, remixé et agrémenté de titres bonus, sur le label Elitist, filière de Earache.
Le départ de Mogicato, le chanteur, fait craindre le pire, mais Tiso rencontre d’autres musiciens désireux de composer des chansons complexes et sans concessions : Davide Piovesan (batteur), Fabio Fecchio (basse), Davide Tolomei (chant, qui collaborera sur un album uniquement) et Luciano Lorusso George (chant). Le bien nommé Painter’s Palette, leur nouvel album sorti en 2003, nous fait montre des influences variées du groupe, allant d’un jazz bien senti, avec des rythmes alambiqués et des impros délirantes, à un metal mélodieux, en passant par des plages hip-hop.
Tiso, Fecchio et Lorusso, noyau actuel de EPHEL DUATH
En 2005, les teigneux Italiens remettent ça avec Pain necessary to know. Il n’est pas question ici de macaroni et de ballades à la Ramazzotti. Ces musiciens déjantés ont recentré leur propos sur un jazz-metal jouissif et percutant que certains journalistes peu inspirés ont comparé à DILLINGER ESCAPE PLAN. Il est vrai que EPHEL DUATH partage certains types de riffs furieux et qu’ils ont accompagné les Américains de DEP durant leur tournée d’hiver 2004, mais leur musique est passablement différente : essentiellement instrumentale et aux ruptures de rythme fréquentes, leurs compositions requièrent une attention bien plus soutenue dans la mesure où l'on ne retrouve pas l'approche classique de couplets et refrains. Il est vrai cependant que, faute de trouver quelque chose de plus approchant, la comparaison avec DILLINGER ESCAPE PLAN est valable (hum).
Pain necessary to know débute sur les chapeaux de roue avec New Disorder, plage mastodontique construite autour d’un riff digne de ISIS. Le chanteur Lorusso alterne des beuglements avec des cris hystériques, avant que le groupe n'enchaîne sur une partie jazz du plus bel effet. Un titre assez emblématique de l’album.
On continue avec Vector Third Movement et Pleonasm – deux titres disponibles en téléchargement sur le site officiel du groupe – qui présentent une structure complexe et des notes de claviers de Federico Pasini, un collaborateur. Few Stars, No Refrain and a Cigarette contient des samples bizarres dignes du meilleur MR. BUNGLE, une basse slappée, ainsi que des licks saignants.

Crystalline Whirl se place comme l’un des morceaux les plus réussis de l’album, notamment grâce à sa progression à la guitare et sa fusion ultime de jazz-metal que les fans de KING CRIMSON ne renieraient pas. La sixième piste, I killed Rebecca, se démarque principalement par sa conclusion bruyante et industrielle, tandis que Vector et Vector Second Movement sont dans la même veine que la première chanson, complétant ainsi un triptyque assourdissant et complexe.
Imploding clôt les débats avec son intro batterie-guitare (ah les harmoniques!), suivie des paroles hurlées de Lorusso dans un style proche de CONVERGE et du DILLINGER ESCAPE PLAN période Calculating Infinity.
Du grand art, que ce Pain necessary to know! Encore faut-il avoir la patience de l’écouter quelques fois avant de pouvoir s’immerger réellement dans ses ambiances sombres et hargneuses qui se muent subitement en impros jazz tordues. La position hybride de EPHEL DUATH sur l’échiquier musical nécessite chez l’auditeur une certaine ouverture d’esprit, car il est clair que les métalleux pur jus et les jazzmen coincés ne trouveront pas leur bonheur là-dedans. Pour les autres, cette caractéristique représente justement l’attrait principal du groupe, et il serait dommage de passer à côté !

EPHEL DUATH – Pain necessary to know (2005, Elitist Records – Earache)
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- la chronique de Miss Machine, le dernier méfait de DILLINGER ESCAPE PLAN (ici)
A VOIR...
- le site officiel de EPHEL DUATH (ici)