BATTLES : Mirrored (chronique, 2007)
De temps à autre, une navette spatiale s'écrase avec fracas sur la planète rock. Après trois EP qui ne sont pas passés inaperçus parmi la sphère des amateurs d'excentricités (chez Nyko ou Thierry par exemple), le groupe new-yorkais BATTLES nous livre une galette full dose que l'on rangera sans sourciller dans la catégorie des opus violents non identifiables. Les antécédents de ses membres sont éloquents : en vrac HELMET, TOMAHAWK, DON CABALLERO, LYNX... en clair de la musique passablement barrée et/ou avant-gardiste. Faisons nôtre le principe selon lequel le tout est plus grand que la somme des parties : la musique de BATTLES navigue dans des contrées dont il est malaisé de décrire la topographie. Le plus souvent instrumentale, à la fois dépouillée et terriblement inventive, elle comprend des rythmiques jazz à la métrique élaborée, des gargouillis éléctroniques, la voix computérisée de Tyondai Braxton et un fond rock avec ses guitares épileptiques. John Stanier, cogneur en chef, représente le noyau de Mirrored sur lequel viennent se greffer les claviers asthmatiques et les 6 cordes robotiques de ses comparses, à l'image du premier single, Atlas, véritable monument d'une musique hybride qui emprunte autant à VAN DER GRAAF GENERATOR qu'à Mr. BUNGLE et KRAFTWERK. Il faut dire que le quartet est bien rôdé : Stanier a mangé du lion, Braxton a avalé une bouteille d'hélium, les neurones de Dave Konopka buggent dangereusement tandis que Ian Williams est pris d'accès de dystonie aiguë. Les musiciens savent prendre leur temps, chaque titre émergeant le plus souvent tranquillement, avant qu'une succession frénétique de séquences nous baffe sans ménagement. En bons sadiques, BATTLES va parfois jusqu'à conclure ses titres en accumulant ces différentes pistes les unes sur les autres, comme de vulgaires fichiers informatiques.

Les morceaux de bravoure abondent et il serait fastidieux de les citer tous : la rythmique hystérique de Ddiamondd, sa basse dronique et son riff hardcore à quatre accords qui tournoie indéfiniment, les sonorités japonisantes de Tonto ou encore l'intermède zappaïen de Rainbow (z'ont trop joué à Mario Kart, m'est avis). Ty Braxton a le hoquet sur Tij, mais sa voix de droïde s'avère parfois curieusement entraînante, comme sur Leyendecker. Race : in affiche, quant à lui, des influences insoupçonnées : des choeurs dignes de Morricone, des harmonies qui feraient presque penser au magistral Peaches en Regalia de Maître Zappa. Son pendant conclusif, Race : out nous offre un panel exhaustif des sonorités de Mirrored, entre tremolos oniriques, rythmique marteau-piqueur et licks cabotins.
Musique organique, musique électronique? La synthèse est si réussie qu'il est difficile de trancher, mais finalement, à quoi bon? Les musiciens, au-delà du fait de ressembler à quatre autistes dans le clip de Atlas, sont parvenus à nous livrer un album passionnant, déroutant et qui laisse découvrir ses attraits après des écoutes répétées, nécessaires pour se défaire des préjugés et des schémas établis. Tout en étant technique et excentrique, leur musique présente une immediateté dans son caractère dansant et presque joyeux, idéale pour le réveil et les coups de barre. Que de contradictions, en fin de compte. C'est peut-être ça, l'effet Mirrored.

BATTLES – Mirrored (Warp Records, 2007)
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Le clip de « Atlas »