TOMAHAWK : Anonymous (chronique, 2007)
Duane Denison : Bon, les gars! Vous n'êtes pas sans savoir que le dernier album de TOMAHAWK date de 2003... alors va falloir lui trouver un successeur...
Mike Patton : Ouais, pour ma part, entre les albums de FANTOMAS, PEEPING TOM et d'autres projets, j'ai pas eu deux minutes ces derniers temps...
John Stanier : Pareil pour moi... là je viens de sortir le dernier BATTLES qui cartonne...
DD : Yes, man! C'est cool... Il est où, Kevin Rutmanis, au fait?
JS : J'en sais rien...
DD : Bon, il est viré, dans ce cas...
MP (changeant de sujet) : Faudrait trouver une idée qui va marquer les esprits des gens pour ce nouveau Tomahawk...
DD : Oh pu*ain, merci Mike! Je viens d'imaginer un truc, là...
MP et JS (en choeur) : Non???
DD : Si! On va faire un album de reprises de chants indiens... j'ai pensé à ça grâce à ton histoire d'esprits et de machettes...
MP : Yes! Ca me botte bien... tu sais que j'aime les trucs un peu bizarres... je suis quelqu'un d 'ecclésiastique, en fin de compte...
JS : Eclectique, Mike, éclectique...
MP : Euh, ouais, c'est ce que je voulais dire...

Tomahawk : les Allumés de la Paix
Parfois un dialogue – même fictif – vaut mieux que mille explications. TOMAHAWK évoluait jusqu'à présent dans un rock sous acide, aux intonations sudistes et aux voix inquiétantes, comme on peut le constater sur Tomahawk (2001) et Mit Gas (2003). Changement de décor pour ce troisième album, baptisé Anonymous, qui contient essentiellement des titres composés de guitares lancinantes et de percussions tribales, sur lesquelles vient se greffer le chant de Mike Patton, qui passe en mode « chef de tribu » pour invoquer les grands esprits. On sait que la tradition musicale amérindienne privilégie des sons sans signification particulière, des vocables, ce dont Patton se déleste avec aisance, lui qui est un habitué des borborygmes ineptes (cf. FANTOMAS). Il ne rechigne pas à placer néanmoins quelques lignes de chant aux connotations plus occidentales, comme sur Omaha Song ou Totem. Duane Denison, également surnommé Bison Futé, n'hésite pas à nous plaquer un gros riff monocorde sur l'introductive War Song et dont le résultat sera une bonne vieille averse, histoire de rincer la crasse qui submerge la musique américaine. La plupart du temps, Denison s'illustre dans la création d'arpèges hypnotiques (Ghost Dance, Cradle Song) ou dansants (Antelope Ceremony) que John Stanier aka Sitting Bull accompagne de sa rythmique incessante. On citera tout de même la danse du scalp de Crow Dance et Red Fox, qui prend de curieuses allures de chevauchée aux confins du metal, du trip hop et de l'expérimental. Victory Song, pour sa part, n'est pas sans rappeler le chant hystérique et débridé d'un SYSTEM OF A DOWN qui aurait forcé sur l'amanite.
Le point fort de TOMAHAWK a toujours été de créer des ambiances oniriques et dérangeantes, la différence avec les autres albums étant que Anonymous ne présente pas un schéma classique avec couplets et refrains, mais plutôt une complainte qui s'étire sur toute la longueur de chaque titre, sans être pour autant ennuyeuse. Cette structure, que le groupe avait timidement esquissé en 2001 sur Narcosis par exemple, nous donne une sensation d'immersion qui est évidemment plus marquée que par le passé. Il est clair que si vous souhaitez découvrir un groupe de rock alternatif un tantinet excentrique, vous avez frappé à la mauvaise porte, ou plutôt au mauvais tipi. De même, ceux qui pensaient retrouver les missiles riffiques de Mit Gas auront la désagréable sensation de s'être fourvoyé. Denison & Cie, désireux de nous livrer une galette surprise, ont certainement réussi dans leur exercice, prenant tout le monde à contrepied et réalisant une prestation dont il sera par ailleurs intéressant de voir comment ils la reproduiront sur scène. Hugh!

TOMAHAWK – Anonymous (2007, Ipecac Recordings)