Edgar Allan Poe : Marginalia
Voilà plus de cent cinquante ans que l'on retrouva – dans des circonstances assez troubles - le corps inanimé d'un génie de notre temps dans une ruelle de Baltimore. Edgar Allan Poe demeure une figure incontournable de la littérature anglo-saxonne, de par sa lucidité, son érudition et sa capacité à créer des récits empreints de mystère et d'une beauté gothique à couper le souffle. Charles Baudelaire ne s'y trompait pas, en traduisant et faisant ainsi connaître à la France la plupart des nouvelles de l'auteur américain (dont il s'est lui-même fortement inspiré) rassemblées en trois volumes : Histoires extraordinaires, Nouvelles Histoires extraordinaires et Histoires grotesques et sérieuses. On retrouve dans Ne pariez jamais votre tête au Diable les short stories qui n'ont pas trouvé grâce aux yeux du poète parisien.

Enfin paraissent en 2007 ces fameuses Marginalia, ensemble partiel de réflexions tirées non pas de commentaires en marge comme Poe veut le faire croire, mais des nombreuses chroniques que l'auteur a écrites pour le compte de divers journaux. Quel intérêt, me direz-vous? Pourquoi ne pas lire ses brouillons, tant qu'on y est. Je vous répondrai que ses brouillons n'ont pas été retrouvés. Plus sérieusement, Edgar Poe n'était pas véritablement le genre de type à écrire « tu l'as dit, bouffi » ou d'autres commentaires de cet acabit. Et comme il le dit si bien en introduction, dans les marginalia, aussi, nous ne devisons qu'avec nous-mêmes, et, par conséquent, nous causons franchement, librement, originalement, avec abandon, sans aucune vanité. De là à dire que l'on peut, grâce à ces Marginalia, percer à vif son fabuleux esprit critique, il n'y a qu'un pas. L'ami Edgar disserte ainsi sur la poésie, la musique, les notions d'authenticité, de génie, mais également d'autres sujets plus spécifiques comme la ponctuation ou encore la grammaire (sic). Poe ne se gêne pas non plus pour régler ses comptes – au moyen de phrases alambiquées et vipérines, pas comme un vulgaire chiffonnier – avec les critiques ou des auteurs qu'il considère surestimés. Evidemment, on peut se questionner sur l'utilité de ces Marginalia, dans la mesure où Poe analyse parfois des ouvrages que personne n'a lu à part lui, mais étant donné qu'il distille souvent un message plus général, cela ne s'avère pas trop gênant.
Le recueil se termine avec de sages « suggestions » et là encore, il s'agit d'une sélection de Lionel Menasché par rapport à la version en anglais de Brevities : Pinakidia, Marginalia, and others Works publiée par Burton R. Pollin en 1985. Un moyen de faire la lumière sur ce prodige de la littérature que l'on résume trop souvent à quelques nouvelles terrifiantes mais qui détenait en vérité un rare talent pour créer des oeuvres puissantes, autant par les thèmes abordés (la destinée, le scepticisme de l'homme) que par leur forme rigoureuse et élégante.
Edgar Allan Poe – Marginalia
(disponible aux Editions Allia)
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