Charles Bukowski : Nouveaux Contes de la Folie Ordinaire
Bukowski mènera dès lors une vie de marginal : il ne terminera jamais ses études universitaires, accepte de petits boulots qu'il ne conserve souvent pas plus de quelques mois (postier, magasinier...) et qui lui permettent simplement de survivre pour écrire, boire et rencontrer des femmes aussi ravagées que lui. Il parfait sa culture littéraire en dévorant les oeuvres de Fante, Céline, Dostoïevski ou des auteurs de la Beat Generation, à laquelle on l'a parfois rattaché. Passés 40 ans, il rencontre enfin une certaine gloire grâce à la publication de ses nouvelles et on l'invite même à lire ses poèmes dans des universités, mais son caractère révolté fait qu'il ne prendra jamais au sérieux ce genre de sollicitations. Son Journal d'un vieux dégueulasse (1969) ou encore les Contes de la Folie ordinaire (1967-1972) obtiennent un succès d'estime dans les milieux « beat ». Et c'est du deuxième tome, Nouveaux Contes de la Folie Ordinaire, que nous allons parler plus spécifiquement. On a critiqué le côté peut-être moins autobiographique de cette oeuvre, mais elle dégage néanmoins toute la brillance de son style et contient les thèmes récurrents de la vie de Bukowski : sa ville, tout d'abord, la putride et détraquée Los Angeles, où sont exhibés ses poivrots, ses dealers, ses flics, ou ses femmes hystériques (Au Viol! Au Viol!).
Los Angeles, la seule vraie ville au monde, plus remplie de merde qu'aucune autre, mais c'est ça qui la rendait drôle. C'était ma ville.
Bukowski nous narre des boulots à la petite semaine (Du ring aux abattoirs) dont il est difficile de cerner la part de vrai, mais qu'importe, après tout, tant cela paraît véridique? L'auteur décrit également ses passions : les courses hippiques (Le Débutant, Au revoir Watson) et la picole, tant d'illustrations de ces éternels losers en quête d'un rêve qui n'existe pas. Les Nouveaux Contes de la Folie ordinaire contiennent en outre des allusions au milieu littéraire de LA, écrivains ratés et autres éditeurs véreux (Les Rues noires de la Folie, Est-ce un métier d'écrire?, Les grands écrivains), mais aussi des histoires surréalistes dignes de Burroughs (« Swastika », La Machine à essorer les Tripes). Enfin, le sexe dans ses nombreuses formes est omniprésent. Les situations sont souvent abjectes et les descriptions plutôt crues, et pourtant l'atmosphère n'est pour ainsi dire jamais glauque. Buk y saupoudre sans cesse une fine couche d'humour et même parfois, de poésie. Une lecture dont on ressort lessivé, tant l'Américain nous aura fait rire aux larmes, pousser des soupirs de désolation et esquisser des grimaces de dégoût.
Auteur contestataire et néanmoins attachant, Bukowski n'a jamais vraiment proposé d'alternative à ce monde en décomposition, si ce n'est l'ivresse sauvage d'un corps féminin ou d'un pack de bières acheté dans un discount miteux. Il nous laisse cependant cette beauté textuelle brute issue de sa vie violente et chaotique.
Si la Folie vous intéresse, la vôtre ou la mienne, je peux vous toucher deux mots de la mienne.
Charles Bukowski – Nouveaux Contes de la Folie ordinaire
(Erections, Ejaculations, Exhibitions and general Tales of ordinary Madness)
disponible en français aux Editions "Livre de Poche"
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le site officiel de Charles Bukowski
Un extrait de l'émission « Apostrophes » présentée par Bernard Pivot avec comme invité, Charles Bukowski