Charles Bukowski : Nouveaux Contes de la Folie Ordinaire

Publié le par Systool

Le moins que l'on puisse dire, c'est que la réputation de Charles Bukowski le précède. On a tous en tête un écrivain américain, alcoolique et obsédé sexuel. Il l'était assurément, mais il était également un auteur majeur du XXème siècle. Ce natif d'Andernach (Allemagne) d'origine polonaise émigre avec ses parents à Los Angeles alors qu'il est âgé de 3 ans. Nous sommes en 1923 et Charles subit durant toute son enfance la cruauté d'un père porté sur la boisson et souvent sans emploi qui se défoule sur sa femme et son fils à coups de ceinture. Divers événements marqueront la jeunesse de Bukowski : la découverte parallèle de l'écriture lui permettant de créer un monde de toutes pièces et celle de l'alcool lui ouvrant les portes du possible. Durant son adolescence, le jeune Charles verra apparaître une acné sévère qui laissera de belles cicatrices sur son visage et l'excluera davantage des autres enfants du quartier auxquels il est de toute façon peu lié. La tyrannie de son père prendra fin un soir où Charles Bukowski, éméché, regagne ses pénates. Les réprimandes de son paternel provoqueront une rixe mémorable se concluant sur une victoire du fiston qui étale son daron sur le sol. Ce dernier ne mettra plus jamais la main sur lui.



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Bukowski mènera dès lors une vie de marginal : il ne terminera jamais ses études universitaires, accepte de petits boulots qu'il ne conserve souvent pas plus de quelques mois (postier, magasinier...) et qui lui permettent simplement de survivre pour écrire, boire et rencontrer des femmes aussi ravagées que lui. Il parfait sa culture littéraire en dévorant les oeuvres de Fante, Céline, Dostoïevski ou des auteurs de la Beat Generation, à laquelle on l'a parfois rattaché. Passés 40 ans, il rencontre enfin une certaine gloire grâce à la publication de ses nouvelles et on l'invite même à lire ses poèmes dans des universités, mais son caractère révolté fait qu'il ne prendra jamais au sérieux ce genre de sollicitations. Son Journal d'un vieux dégueulasse (1969) ou encore les Contes de la Folie ordinaire (1967-1972) obtiennent un succès d'estime dans les milieux « beat ». Et c'est du deuxième tome, Nouveaux Contes de la Folie Ordinaire, que nous allons parler plus spécifiquement. On a critiqué le côté peut-être moins autobiographique de cette oeuvre, mais elle dégage néanmoins toute la brillance de son style et contient les thèmes récurrents de la vie de Bukowski : sa ville, tout d'abord, la putride et détraquée Los Angeles, où sont exhibés ses poivrots, ses dealers, ses flics, ou ses femmes hystériques (Au Viol! Au Viol!).


Los Angeles, la seule vraie ville au monde, plus remplie de merde qu'aucune autre, mais c'est ça qui la rendait drôle. C'était ma ville.


Bukowski nous narre des boulots à la petite semaine (Du ring aux abattoirs) dont il est difficile de cerner la part de vrai, mais qu'importe, après tout, tant cela paraît véridique? L'auteur décrit également ses passions : les courses hippiques (Le Débutant, Au revoir Watson) et la picole, tant d'illustrations de ces éternels losers en quête d'un rêve qui n'existe pas. Les Nouveaux Contes de la Folie ordinaire contiennent en outre des allusions au milieu littéraire de LA, écrivains ratés et autres éditeurs véreux (Les Rues noires de la Folie, Est-ce un métier d'écrire?, Les grands écrivains), mais aussi des histoires surréalistes dignes de Burroughs (« Swastika », La Machine à essorer les Tripes). Enfin, le sexe dans ses nombreuses formes est omniprésent. Les situations sont souvent abjectes et les descriptions plutôt crues, et pourtant l'atmosphère n'est pour ainsi dire jamais glauque. Buk y saupoudre sans cesse une fine couche d'humour et même parfois, de poésie. Une lecture dont on ressort lessivé, tant l'Américain nous aura fait rire aux larmes, pousser des soupirs de désolation et esquisser des grimaces de dégoût.

Auteur contestataire et néanmoins attachant, Bukowski n'a jamais vraiment proposé d'alternative à ce monde en décomposition, si ce n'est l'ivresse sauvage d'un corps féminin ou d'un pack de bières acheté dans un discount miteux. Il nous laisse cependant cette beauté textuelle brute issue de sa vie violente et chaotique.


Si la Folie vous intéresse, la vôtre ou la mienne, je peux vous toucher deux mots de la mienne.


Charles Bukowski – Nouveaux Contes de la Folie ordinaire

(Erections, Ejaculations, Exhibitions and general Tales of ordinary Madness)

disponible en français aux Editions "Livre de Poche"




WWW...

le site officiel de Charles Bukowski


Un extrait de l'émission « Apostrophes » présentée par Bernard Pivot avec comme invité, Charles Bukowski

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E
salutj'arrive de chez David Lantano (l'enfer des caniches) & je tombe sur ces articles sur Bukovsky !je l'ai découvert il y a quelques années avec PULP quand c'est sorti & du coup j'ai lu tous ceux cités + hautson style féroce & déconnecté de tout m'a botté tout de suitene pas oublier qu'il respectait énormément Fante & Miller qui avait lui aussi Céline en référence (parmi d'autres)bon blog !
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S
Salut Eric! Merci d'être passé et excellent week-end à toi!
H
Bel hommage à ce grand homme, l'un des rares écrivains à écrire vrai, sans se préoccuper ni de son image, ni du qu'en-dira-t-on.
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S
Ca c'est clair! Buk en avait rien à foutre de rien et ça, c'est assez unique! Tout comme ses écrits!
A
Coucou, c'est une revenante qui vient te parler.On m'a souvent dis que je devrais me pencher sur Buk car ma manière de m'exprimer sur mon blog lors de mes périodes malsaines ressemblait à son style, que je ne pouvais plagier, ne le connaissant pas.Je me souviens surtout d'un article que j'ai hélas effacé, où je racontais comment je fus minable, incapable de rentrer seule chez moi, après avoir descendu quasimment cul sec deux cannettes de Maximator, et qui s'est terminé par la destruction de mes lunettes.Bref, je raconte tout ça, mais il y a un lien avec Buk : j'ai lu son oeuvre, et j'ai eu peur. J'ai eu peur, car trop de choses qui ont trouvé un écho en moi, beaucoup trop violent.Je ne pense pas un jour être capable de relire " Les contes..." ni le "Journal", ça fait mal d'être d'accord avec sa vision chaotique et de ne pas trouver d'autres moyens de relever la tête, à part ne plus jamais ouvrir les yeux, bref...Faire l'autruche.Bises.Elisabeth, aka Naive, aka Asia
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S
Ciao Naive! Je n'ai pas autant de souvenirs personnels à rattacher aux histoires de Bukowski, donc je ne peux qu'imaginer ce que cela doit faire... comme il peut etre difficile de s'y immerger... d'un autre coté, pour etre positif, je ne peux que te féliciter d'avoir un style qui fait penser à Bukowski, ce n'est pas donné à tout le monde ;-)A bientot
L
Et un merci de plus pour la video!  (elle date de quelle année?)  j'avais jamais vu sa tête à Bukowski, je m'y retrouve bien quand tu dis "esquisser des grimaces de degoût", mais ça releve quand même du génie... Bises 
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S
Je t'en prie... l'émission d'Apostrophes avec Buk date de 1978, sauf erreur...A+
C
je ne connaissais pas ... je veux dire que je n'ai pas lu, mais je me rappelle son passage à apostrophe qui est resté dans les annales<br /> <br /> et je trouve ça bien qu'il ne propose pas d'alternative à ce monde, puisque chacun trouve en soi cette alternative qui fait que notre folie personnelle ne nous empêche finalement pas de vivre, bien au contraire nous y aide ...<br /> <br /> bisous
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S
Bien dit, Cat... Je te remercie en tout cas d'avoir créé cette communauté...